vendredi 20 décembre 2013

Sage-femmes, Je vous aime

Les sages-femmes sont en grève depuis maintenant 2 mois. Si vous n'êtes pas dans le milieu, vous n'êtes peut-être pas au courant, vu qu'elles ne font pas vraiment les gros titres des journaux.

Malheureusement. Car c'est l'avenir de la prise en charge de la grossesse et de la naissance en France qui est en jeu. Et même plus largement de la prise en charge gynécologique de la femme en bonne santé.

Je ne vais pas rentrer dans le détail des revendications, car je ne me sens pas la légitimité de les juger, n'étant pas sage-femme moi-même.
Par contre j'aimerais vous parler de ce que représentent pour moi les sage-femmes.
(Pour être claire pour moi le terme de Sage-femme regroupe les hommes et les femmes qui exercent ce métier. Car c'est "la personne qui détient la sagesse au sujet des femmes" et non "la femme qui est sage". Et puis Maïeuticien c'est moche. Voilà pour les questions de terminologie)

Ce billet va peut-être vous paraître redondant par rapport à certains précédents où il est vrai que j'ai déjà abordé ces sujets-là. Mais l'actualité tant du point de vue des sage-femmes que de ma vie personnelle fait que j'ai envie de les répéter. Encore et encore.

Apparemment, tout le monde, sage-femmes, gynécologues, Ministère, est d'accord pour dire que oh là là ça va pas du tout, cette situation est terrible, les chiffres périnataux sont mauvais, les femmes françaises sont de moins en moins bien prises en charge, patati patata.
Ce qui est intéressant, c'est que chacun en tire des conclusions diamétralement opposées.

Les gynécos (enfin certains, ils ne sont peut-être, enfin j'espère, pas tous derrière ça), viennent de publier ceci:
http://www.fncgm.com/images/PREMIERE_PAGE/fncgm_131219_comquesf.pdf

Quand je lis de genre de prose, mon sang se met à bouillir. Déjà le ton puant de mépris et de condescendance, passons...

Les sage-femmes en premier recours pour le suivi gynécologique et obstétrical des femmes en bonne santé serait donc un retour en arrière pour la santé des femmes? Moui. Je sais pas pourquoi mais moi ça ne me fait pas peur du tout.

Peut-être parce que je ne cesse d'entendre des récits de femmes qui se plaignent de la façon dont elles ont été traitées et prises en charge par leurs gynécos? (Et j'en fait partie)
Je ne compte plus les prescriptions de pilules de 3e G en 1e intention, les refus de DIU, les contraceptions plus ou moins imposées sans espace de discussion, les frottis débutés à 18 ans et répétés tous les ans à l'encontre de toutes les recommandations officielles, les prescriptions de mammographies à 40 ans, toujours sans information et discussion, et toujours à l'encontre des recommandations. Les femmes qui se disent non écoutées, infantilisées, mal traitées...

Les gynécologues sont des SPECIALISTES d'ORGANE, des techniciens, et il serait bon qu'ils s'en souviennent et se concentrent sur la PATHOLOGIE. Aller voir un gynécologue pour un suivi gynéco systématique et une contraception quand on n'a aucun antécédent médical spécifique ne SERT à RIEN. Et je pèse mes mots! C'est du gâchis de compétence!
Un médecin généraliste ou une sage-femme, l'un ou l'autre sensibilisés au domaine et bien formés feront le job tout à fait bien.
Si les gynécos se concentraient sur la pathologie, ça permettrait peut-être que les femmes qui en ont vraiment besoin puissent être reçues en consultation dans des délais raisonnables... Mais bon, je dis ça, je dis rien, comme on dit. 

Il en est de même pour la prise en charge de la grossesse et de la naissance. Je suis intimement persuadée que si la France a ces chiffres médiocres en terme de périnatalité, ce n'est pas par défaut de surveillance médicale, mais au contraire bien à cause d'une sur-médicalisation généralisée.
Quand on regroupe toutes les naissances dans des usines à bébé immenses, avec, comme le décrivait pas plus tard que la semaine dernière une jeune accouchée (en passant elle-même sage-femme), 6 femmes en travail pour seulement 4 salles d'accouchement et UNE SEULE sage-femme! mais comment peut-on penser 2 secondes que ces femmes sont en sécurité? C'est bien joli de les brancher toutes sur une jolie machine qui fait PING (Cc les MontyPython) avec PC centralisé toussa toussa. S'il n'y a personne pour regarder les tracés, ça ne sert à rien!
Tant qu'on pensera que toutes les femmes peuvent bien accoucher selon le même protocole Monito/Péri/rupture/Synto/position gynéco Pattes en l'air/Episio (ah j'ai oublié le TV horaire), et bien il y aura toujours des femmes traumatisées par leurs accouchements (et là encore j'en fais partie).

Un/e sage-femme bien formé/e (à la physiologie et à la détection précoce de la pathologie, n'en déplaise à ces messieurs-dames qui ont commis le tract pré-cité), ayant le temps et les moyens de faire son job sereinement, ça vaut toutes les machines qui font PING. Un accompagnement humain, une main, une voix qui rassure, qui encourage, qui sait aussi se tenir en retrait et ne pas intervenir lorsque ce n'est pas nécessaire, c'est ça qui évite souvent les complications inutiles.

Aujourd'hui, alors que j'espère bientôt mettre au monde mon 3e enfant, je suis un peu rassurée pour moi.Car après 2 grossesses et 2 accouchements au suivi plus ou moins foireux, j'ai cheminé, je me suis renseignée, je me suis informée, et je sais maintenant quels sont mes besoins. J'ai trouvé, je pense, la sage-femme qui me correspond, qui sera à mes côtés pour suivre ma grossesse ET m'aider à faire naître mon enfant. Je ne l'ai rencontrée qu'une fois pour l'instant, mais d'ores et déjà je sens que nous sommes sur la même longueur d'onde, qu'on s'entendra bien.
Je ne voulais pour rien au monde rester dans cette incertitude de "comment ça se passera le jour de l'accouchement", si j'ai de la chance de tomber sur un/e SF cool et disponible ça sera bien, sinon ça sera -encore une fois- la galère. C'est bon, j'ai donné 2 fois, et je n'ai pas de chance. Alors je préfère prendre les devants.

Voilà, pour moi, ça devrait aller. Je suis par contre plus qu'inquiète pour mes concitoyennes, celles qui ne sont peut-être pas aussi éduquées, aussi informées que moi, celles qui ont regardé Baby-Boom et qui pensent donc que l'accouchement c'est forcément sur le dos les pattes en l'air sous péri et avec un monito autour du bide. Parce qu'on ne leur a jamais dit que ça pouvait se passer autrement. Et que de toutes façons les pauvres SF débordées de la maternité n'auront pas le temps de faire en sorte que ça se passe autrement.
Et cela me rend triste. Je pense que beaucoup de femmes/couples sont  passé/es et vont encore passer à côté de la naissance qui leur correspond, par manque d'information et par manque de moyens en personnels.

Voilà. Le tableau est assez sombre. Un petit espoir du côté de la loi sur les Maisons de Naissance, enfin. Par contre beaucoup de recul sur l'AAD, qu'on tente discrétos de faire disparaître en laissant pourrir la situation des sage-femmes non assurées. Un pas en avant, deux pas en arrière.

Pour résumer ma pensée:
 Les sage-femmes font un job en or, si tant est qu'on leur donne les moyens de le faire correctement. Les sage-femmes ont toute leur place en tant que professionnel de PREMIER RECOURS pour le suivi gynéco-obstétrical des femmes en bonne santé. 

Si vous voulez avoir un exemple de ce que peut être le job d'une sage-femme hors d'une usine à bébé, prenez le temps de visionner ce film (oui je fais de la promo, j'ai participé au financement!):
Entre leurs mains
Je n'ai pas encore eu le bonheur de le voir, mais toutes les personnes qui ont eu la chance de pouvoir aller à l'avant-première ont chanté ses louanges. Il passera pendant les vacances de fin d'année sur Public Sénat.
(Et ça vous changera de Baby-Boom!)

Et vous, femmes, futures mamans, futurs parents, prenez les choses en main, informez-vous, protestez, faites VOS choix, et ne vous laissez pas imposer ceux des autres.