lundi 27 janvier 2014

Médecins généralistes mercenaires, coup de gueule!!

Je ne prends pas souvent le temps d'écrire mes réflexions mais là c'en est trop!! Il faut que ça sorte.

Dans ma petite vie de médecin généraliste remplaçante il m'arrive de prendre des gardes de temps en temps sur les maisons médicales de garde dans mon secteur, enfin je dirais plutôt que je remplace des médecins qui sont sur une liste de garde.

Pour ceux qui ne savent pas, il y a en France un système de permanence des soins qui est organisé sur le territoire, et qui permet de désengorger les urgences et d'apporter une meilleure accessibilité aux soins.
Cette permanence se déroule souvent le soir de 20h à 22h et le week-end, le samedi de 12h à 20h voire 22h et le dimanche de 8h à 20h voire 22h (sur mon secteur je précise).
Dans certaines contrées reculées, cette permanence se déroule la nuit (loin des villes et des services d'urgences), on appelle ça "la nuit profonde" (j'ai toujours trouvé cette appellation mystique).

Les médecins généralistes ont une obligation de participer à cette permanence des soins, mais parfois il y en a qui n'en ont pas envie alors ils cherchent des remplaçants, et c'est là que j'arrive!!

Mais je ne suis pas toute seule dans la course, car oui c'est assez prisé les gardes quand on remplace.

Nous percevons pour les gardes une rétrocession de 100% de nos recettes, alors qu'en temps normal nous percevons plutôt 70 à 80% des recettes que nous effectuons auprès des médecins remplacés.

De plus une consultation en garde est bien mieux payée, ça va de 42,06€ à 70,50€ en fonction de l'heure et de l'âge du patient (les petits c'est plus cher), par rapport à une consultation standard à 23€, c'est donc plus rentable pour le même temps passé.

Donc oui j'avoue les gardes, c'est très honnêtement pour mieux remplir le porte-monnaie, et parfois on en a bien besoin.

J'étais donc de garde ce samedi dans une maison médicale de garde MMG de mon secteur, et comme j'aime bien papoter, j'ai commencé à discuter avec la secrétaire, sur l'activité de la MMG, sur les médecins qui venaient prendre les gardes, notamment les remplaçants, qui sont pour la plupart de jeunes médecins en début d'activité.

Je pensais naïvement que les jeunes remplaçants étaient un peu comme moi, disons soucieux de la qualité des soins qu'ils dispensent, de respecter le patient, d'être juste et mesuré dans les tarifs demandés aux patients.

Mais son récit m'a mis en colère, très en colère contre lui.

Il s'agit d'un jeune médecin remplaçant arrivé depuis peu de temps, mais souvent présent à la MMG.

Il gonfle le coût de ses consultations lorsqu'il fait une suture, il demande le double du prix que rembourse l'assurance maladie, en utilisant les lettres et codes incompréhensibles du système de cotation de nos actes, sans se soucier du remboursement du patient, se targuant d'être dans son bon droit.

Le patient lui ne sait pas, et il paie sans comprendre, il ne sera remboursé que de la moitié, et même si il s'en rend compte, c'est trop compliqué pour lui souvent de réclamer.

Mais il peut le faire, et si vous lisez ce billet, je vous encourage vous patients à diffuser vos bon droits pour ne pas vous faire spolier par ces Mercenaires!

Ça peut arriver de se tromper, de demander plus (moi ça m'est arrivé, et je ne me suis pas sentie fière, j'ai envoyé un chèque au patient, très gentil au passage en m'excusant platement avec une feuille de soin rectifiée), mais il faut reconnaître ses erreurs et surtout écouter ou rechercher les informations pour bien utiliser les outils de paiement.

Mais ça ce n'est rien.

Une femme le consulte pour une agression physique, elle vient se faire examiner, recevoir des soins, une écoute, des remèdes, mais ne souhaite pas de certificat de coup et blessure au moment de la consultation. Il fait la consultation, et lui demande le règlement.

Elle revient 2 heures plus tard car elle a changé d'avis, elle veut un certificat médical, car elle veut porter plainte, sa démarche n'est pas exceptionnelle, souvent les victimes d'agression ne veulent ou ne demandent pas initialement de certificat pour diverses raisons mais elles sont souvent choquées.
Nous médecins devons le leur proposer et le leur faire pour qu'elles n'aient pas à revenir pour cela si elles changeaient d'avis, elles peuvent bien sûr revenir pour recevoir une écoute, un soutien.

Lui, il l'a refait payer.

Et c'est là que je suis révoltée, coup double pour le Mercenaire!!

Non seulement il a profité de la fragilité de cette femme pour se remplir les poches, mais dites-vous bien qu'il nous a tous volé, car c'est le système de soin qu'il fraude (2 actes pour 1 consultation effectuée), c'est nous cotisants du système solidaire de soin (auquel je crois personnellement) qui payons ces consultations gonflées.

Des fraudeurs médecins il y en a, j'ai malheureusement pu en croiser et je les déteste.

Mais des Mercenaires je n'en avais jamais encore entendu parler.

Ne vous laissez pas faire je vous en conjure, vous avez des droits!!

A vous patients!

Dr Paragliding

jeudi 23 janvier 2014

Ma bulle à moi

Tous les mardis soirs, pour Kalee c'est zumba. J'en fais depuis maintenant 2 ans.
Souvent juste avant la séance, je n'ai pas envie d'y aller, je suis fatiguée, je resterais bien à comater dans le canapé (pour changer).
Puis en général j'arrive à bouger mes grosses fesses, et j'y vais quand même. Et à chaque fois je me dis que j'ai bien fait.

Prendre plaisir à bouger sur la musique,  (re)découvrir certains muscles, s'oublier petit à petit pour juste sentir le rythme et se défouler.
Pendant une heure, n'être plus "Mamaaaaan", ni "Docteur", mais juste soi, être là pour soi, et pour personne d'autre.

Le début de la séance est toujours un peu raide, un peu lourd, on regarde les autres, on est un peu "self-conscious". Et puis petit à petit on se détend, on se rappelle qu'il ne faut SURTOUT pas se regarder dans la glace. On s'en fout de faire des erreurs, on est pas à l'Opéra...
La bonne humeur de la prof est communicative. On se lâche, on se laisse aller au rythme, on saute en cadence.
On sue un bon coup, on se décrasse.
Arrive toujours un moment au cours de la séance où mon corps continue à suivre les mouvements de façon quasi-automatique, alors que mon esprit part divaguer de son côté. Je pense alors à tout et rien, à mon prochain billet, à comment j'aimerais que le monde soit autrement. Oui le monde qui habite ma tête pendant les séances de zumba est beaucoup plus simple que le monde réel. C'est dommage qu'il n'existe qu'une heure par semaine, dans mes neurones. Il gagnerait à être plus connu.

Au bout de cette heure-là, je rentre chez moi, je prends ma douche, et je retourne au monde réel. Jusqu'à mardi prochain, 21h.

Et vous, c'est quoi votre bulle à vous?

mercredi 8 janvier 2014

Entre Leurs Mains, un film essentiel

Si vous traînez sur la Twitto-blogosphère médico-sagefemmesque, vous avez peut-être entendu parler du film "Entre Leurs Mains".
Il s'agit d'un documentaire suivant 4 sage-femmes qui accompagnent les couples pour une naissance à domicile, ou en plateau technique à la maternité. Il a été diffusé sur Public Sénat pendant les fêtes, et est maintenant disponible en VOD ici (jusqu'à fin janvier seulement, dépêchez-vous!)

Ce film est un bijou (et je dis pas ça parce que j'ai donné des sous pour aider à le financer, non non...).

On nous permet de suivre dans leur exercice quotidien ces 4 sage-femmes, Cécile  en Isère, Muriel au Pays Basque, Sidonie en région parisienne et Jacqueline dans les Pays de la Loire.
Le film alterne les scènes de suivi des couples: consultation, séances de préparation, accouchements bien sûr, visites post-natales, ainsi que d'autres scènes plus "militantes": réunions de formation de sage-femmes, conférences auprès du grand public, manifestations pour la défense des sage-femmes, réunions pour discuter de la réponse à opposer aux menaces faites actuellement sur l"accouchement à domicile.

Ce que je retiens des naissances vues dans ce film, c'est beaucoup de sérénité, de confiance, de calme. Malgré l'absence de péridurale, AUCUNE de ces femmes ne crie. Une ambiance cocon, de la lumière tamisée, pas de bruit, pas de bip bip (pas de machine qui fait PING!), pas de lumière blafarde. Une venue au monde apaisée, tranquille. La nature fait son travail, la plupart du temps bien, et on la laisse faire sans interférer.
Une fois de temps en temps, la nature a besoin d'un coup de pouce, comme dans le cas de cette maman qui fatigue après un long travail et un bébé qui ne descend pas bien, qui se présente en OS (pour les non-initiés, le bébé est tourné la nuque vers le sacrum de la maman, ce qui est souvent un peu plus compliqué pour la sortie). Cécile décide alors du transfert, la maman accouchera finalement en maternité, avec finalement seulement une épisiotomie en plus. L'éventualité du transfert est envisagé dès le début, les choses se font donc sans panique.

J'ai souri devant certaines scènes, telle cette nuit de travail où Cécile somnole sur le canapé à côté du couple, après avoir versé de l'eau sur le dos de la maman dans sa baignoire. Il ne manquait plus qu'un petit chant maya cher à notre amie Odile pour compléter le tableau... ;-D

Il y a entre ces couples et ces sage-femmes une confiance absolue, une proximité physique, beaucoup de contacts presque charnels pour aider la mère à traverser le travail et à mettre au monde son enfant.

"Mon devenir maman m'a changée en tant que sage-femme. Mon regard sur ce que je faisais aux mères." -Muriel

"L'accouchement à domicile en France c'est pas du tout comme avant: l'hygiène est pas du tout la même, il y a des routes et des voitures, avant d'aller trouver un médecin il y a pas 2 jours de cheval à faire. Les femmes sont surveillées. On va pas découvrir des jumeaux au cours du travail, il y a des tas de pathologies qui sont éliminées. On a des moyens de surveillance pendant l'accouchement, qu'on n'avait pas avant". -Cécile

Jacqueline et Sidonie organisent ensemble des formations et des conférences sur le respect de la physiologie. Quelques propos recueillis lors de ces réunions:

"Si tu les écoutes de ce qu'elles font avant d'arriver à la mat, la plupart ne disent pas qu'elles sont restées allongées dans le lit. Et tu arrives dans une pièce et y'a un lit, c'est vachement inducteur. Et du coup, t'es une gentille fille, tu t'allonges. Parce que de toutes façons t'as regardé des émissions sur TF1 pour te montrer comment t'allais accoucher, et t'as vu pendant des soirs des femmes se mettre toutes allongées pour pousser. Du coup tu peux même pas penser que tu puisses faire autrement" -Une participante à la formation. (Merci le formatage Baby-Boom...)

"Je me suis rendu compte que dans mes propos je banalisais beaucoup la médicalisation de la naissance. Une de mes cours [de préparation à la naissance], c'est médicalisation de la naissance: voilà vous aurez la sat, le tensiomètre, le monito, la perf. J'avais l'impression de rentrer dans un couloir Voilà c'est comme ça, mais non ça peut ne pas être comme ça!" -Une autre participante.

"L'objectif de ces formations n'est pas l'AAD, l'objectif c'est que les sage-femmes puissent permettre à la physiologie d'être respectée. C'est pas l'apologie de l'AAD." -Jacqueline

Les participantes soulèvent le problème du risque d'hémorragie de la délivrance. Jacqueline répond qu'une étude récente (celle-ci, merci 10Lunes pour le lien) a démontré clairement que la plupart des HD graves, hors trouble de la coagulation type Malade de Willebrandt ou autre, sont dûes à un abus de Syntocinon, ce qui par définition ne risque pas d'arriver à domicile. Donc pour elle le risque est fort minime. (Ce qui ne veut pas dire nul... Ça c'est moi qui rajoute.)

"Il faut ouvrir des services entièrement physiologiques, au sein même des hôpitaux, pour que cette prise en charge soit accessible à toute la population, et pas seulement à celles qui auraient eu le temps et les possibilités de réfléchir à la meilleure manière d'accueillir leur enfant. Changer notre vision de l'organisation des soins." -Jacqueline

Une anesthésiste, lors d'une conférence, lit un texte qu'elle a écrit:
"J'entends les gémissements d'une parturiente à chaque contraction. Pourquoi ne fait-elle pas appel à moi? Ne sait-elle pas qu'on peut faire une péri? J'ai le coeur serré par la compassion et la péri me démange. [En résumé elle entre dans la salle et se fait virer...]
J'avais tellement honte de ne pas avoir fait confiance à une femme. En entrant dans cette salle, en fait c'était moi que je voulais soulager.
Mais où ont-elles le choix d'être elles-mêmes actuellement alors qu'on leur pose une péri d'emblée dans 80% des cas? De quelle découverte les prive-t-on en supprimant sans leur avis cette douleur si redoutée et pourtant si riche d'enseignement et si imprévisible dans son intensité? [Encore des propos qui devraient plaire à Odile]
De même que le droit à l'avortement a été une victoire, l'avortement lui-même en est rarement une. De même, accéder à la péri en a été une, mais quand elle devient systématique, sinon obligatoire..."
Là je dis bravo à cette anesthésiste pour le recul qu'elle a su avoir sur sa propre pratique.

On assiste également à des scènes de manifestations et de réunions de soutien aux sage-femmes pratiquant des AAD, dont l'exercice est plus que menacé par l'impossibilité de s'assurer.
Les sage-femmes qui se feraient condamner pour défaut d'assurance risquent 45 000 euros d'amende, de la prison et une interdiction d'exercer. Réaction de Sidonie à ces sanctions éventuelles: "Je me suis dit que les 45 000 euros d'amende c'était pas grave, parce qu'il y aurait la solidarité. Que la prison c'était pas grave. Mais c'est l'interdiction d'exercer..."
Ça en dit long sur leur motivation, quand le fait d'aller en prison apparaît moins grave qu'une interdiction d'exercer... Je dis chapeau mesdames...

Sous cette pression légale, Muriel a décidé d'arrêter les accouchements à domicile pour proposer uniquement la naissance en plateau technique à la maternité d'Orthez. Cette scène, où elle annonce ce choix à un couple m'a beaucoup émue, car on la sent vraiment à fleur de peau, très en colère.
"Ça ne m'amuse pas de céder sous la pression. Pas du tout. Je me mets en colère moi-même. Mais je me sens trop seule. Trop de pression."

"Il y a une méconnaissance de la pratique à la maison, ce sont des accouchements à bas risque! C'est une vraie bataille pour les mères. Avec leur famille, leur médecin traitant. Elles deviennent des parias. C'est ça qui est dur aussi. Être paria tout le temps. On est toujours suspectes de faire je ne sais quoi, une espèce de sorcière..."

On comprend la lassitude de Muriel, et on ne lui en veut pas de baisser les bras...

Au total ce film montre le travail exceptionnel de ces 4 professionnelles, qui sont loin d'être des têtes brûlées, et leur engagement inconditionnel dans leur métier auprès des femmes, des couples et de leurs nouveaux-nés.
Mais l'avenir qu'il laisse deviner pour leur choix d'exercice reste très sombre, et il leur (nous?) faudra encore se battre longtemps avant qu'il soit accepté, dé-stigmatisé, et intégré comme un maillon comme les autres de la prise en charge périnatale française.
Le combat est loin, très loin d'être gagné.

Alors si le choix des femmes et des couples pour la naissance vous tient à coeur, regardez ce film, parlez-en autour de vous, faites-le voir au plus grand nombre.
A bon entendeur.

Et un grand merci à l'équipe du film, ainsi qu'à Sidonie, Jacqueline, Cécile et Muriel.

Si vous voulez lire d'autres réactions, c'est par là:
http://www.entreleursmains.org/ellesils-en-parlent/