vendredi 12 décembre 2014

Alors, la fille, c'est pour quand?

Anecdote numéro 1:

Un samedi matin, dans un grand magasin de chaussures, je viens avec mes trois garçons pour acheter une ou deux paires de chaussures (original dans un magasin de chaussures...). Après avoir choisi, nous allons en caisse pour payer. La caissière regarde le petit dernier dans la poussette, déduit à ses vêtements que c'est un garçon, puis regarde les deux grands, puis me regarde: "Trois garçons?"
Absorbée par la recherche de mon porte-feuille dans mon sac je lui réponds distraitement "oui".
"Ah ben il faut faire la fille maintenant."
Mais.

Anecdote numéro 2:

"Oui allô bonjour, c'est Dr Remplacé, je sais que vous étiez enceinte, je voulais savoir quand vous repreniez parce que je cherche quelqu'un"
"Euh en fait je viens d'accoucher il y a 2 semaines donc là tout de suite non je ne suis pas disponible..."
"Ah bon tant pis. Ça va, c'est une fille ou un garçon?"
"Un garçon"
"Ah, et vous aviez déjà deux garçons non?"
"Oui en effet."
"Ah bon, ben on choisit pas hein." (ajouter le ton contrit pour faire bon effet).
Mais.

Les gens. Oui, j'ai trois garçons. Et alors, en quoi est-ce que ça vous pose un problème? De quel droit vous permettez-vous ce genre de réflexions/commentaires sur la composition de ma famille?
Pourquoi la seule famille valable aux yeux de la société est celle qui compte une fille et un garçon?
S'il n'y a qu'un enfant (voire même zéro, encore pire!), ce n'est pas assez. S'il n'y a que des filles ou que des garçons, ça ne va pas, il faut essayer de faire l'autre genre (et quoi alors, je fais des enfant jusqu'à ce que ce soit une fille? Je continue jusqu'à combien comme ça?). S'il y en a trois ou plus, c'est beaucoup trop, c'est de l'inconscience...
Les gens, pouvez-vous garder vos commentaires pour vous et vous les carrer là où je pense? Une bonne fois pour toutes? Sérieusement, ne réalisez-vous pas à quel point ces remarques sont déplacées, intrusives, et peuvent faire mal au parent qui les reçoit?

Oui, j'avoue, j'ai toujours rêvé d'avoir une petite fille. Encore aujourd'hui, penser que je n'aurais jamais une petite fille me fait mal.
Quand j'ai été enceinte de ce troisième enfant, je me suis construit cette petite fille imaginaire (même si ma raison me disait de ne pas m'emballer...). J'ai vécu avec elle pendant 5 mois, jusqu'à la deuxième échographie. Ce jour-là quand j'ai su que j'attendais un troisième garçon, j'ai pleuré pendant 2 heures. Et pendant plusieurs semaines il n'a pas fallu grand-chose pour que les larmes me reviennent en pensant à cette petite fille qui finalement n'existerait jamais.
J'ai eu honte de ça, parce que quand même, ce petit garçon que j'attendais, il n'avait rien demandé, ce n'était pas sa faute s'il n'était pas une fille, et puis il était parfait, en bonne santé et tout bien comme il fallait. De quoi je me plaindrais, à côté des gens qui ont des enfants malades ou qui n'arrivent pas à en avoir...

Et puis au fil des dernières semaines et mois de grossesse cette petite fille s'est doucement effacée, mon fils est né (je vous l'ai déjà raconté en détail...), il est magnifique et en pleine forme, et je l'aime aussi fort que ses deux grands frères.
Mais il reste néanmoins que selon toute vraisemblance je n'aurai jamais de fille.

Alors merci les gens de me le rappeler à chacun de vos commentaires sur mes trois garçons. Et encore, ça pourrait être pire. Imaginez que j'aie perdu une petite fille, rendez-vous compte, les gens, de l'effet que pourraient me faire vos remarques.
Vous ne connaissez pas l'histoire et le vécu des personnes à qui vous faites ce genre de réflexions, alors par pitié, les gens, fermez vos gueules.

Ne dites rien. Ou si vous voulez vraiment faire de la petite conversation, dites quelque chose de positif. Débrouillez-vous, ce n'est pas compliqué.
"Ils sont beaux ces trois garçons." "Vous ne devez pas vous ennuyer à la maison."
Ça marche pour toutes les configurations familiales.

Merci pour moi et pour tous les parents qui en ont assez de devoir justifier pourquoi leur famille est telle qu'elle est et pas autrement.

Ce billet d'humeur m'a été inspiré, en plus des deux anecdotes ci-dessus, par cet article dans lequel je me retrouve complètement (les problèmes de santé en moins).