mercredi 18 novembre 2015

Stupeur et tremblements

Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je n'ai aucune formation en géopolitique et je suis complètement perdue. Je ne sais absolument pas ce qu'il conviendrait de faire aujourd'hui pour que tout cela s'arrête, mais je sais que je suis très très mal à l'aise avec la direction dans laquelle s'engage mon pays.

Comme tous mes concitoyens, je pleure 129 jeunes gens fauchés par la folie humaine. Je pleure toutes ces vies stoppées nettes et toutes celles qui vont être gâchées pour des années par les séquelles physiques et psychiques de ce carnage.
Je n'en connaissais aucun, mais j'ai bien trop vu passer leurs visages, leurs histoires, leurs témoignages et la douleur de leurs proches dans les médias.
Je suis reconnaissante envers tous ceux, forces de l'ordre, soignants, ou simples témoins qui ont fait leur maximum pour limiter les dégâts, bien souvent en prenant eux-même des risques, et qui eux-mêmes resteront sans doute marqués pour longtemps.

Je suis fière de ces concitoyens-là, fière de tous ceux qui, vendredi soir, tweetaient #PorteOuverte pour permettre à ceux qui ne savaient où aller de se mettre à l'abri.

Par contre je ressens beaucoup de colère envers nos dirigeants politiques. De tous bords. Je n'ai plus aucune confiance en eux.
Ces récupérations à hue et à dia, alors que les victimes ne sont même pas encore toutes identifiées. Cette précipitation à utiliser une rhétorique guerrière et belliqueuse. Répondre à la violence par encore plus de violence. Par un état d'urgence, des modifications de la constitution là tout de suite, dans l'émotion, surtout ne pas prendre le temps de réfléchir. S'engager à pieds joints dans le chemin du tout-sécuritaire. Limiter les libertés individuelles.
Parler de "guerre". Les mots n'ont plus de sens. Un attentat, aussi grave et dramatique soit-il, n'est pas "la guerre". Mon fils de 7 ans lui-même le sait, lui qui disait hier: "c'est PAS la guerre. La guerre c'est bien pire que ça."
Mais il est bon d'attiser la peur bien légitime de nos concitoyens, pour pouvoir se faire applaudir en passant des mesures allant à l'encontre de la démocratie.
Amalgamer sans vergogne réfugiés et terroristes potentiels. Alors que les terroristes étaient français, ou européens. Alors que ces réfugiés fuient eux-mêmes une violence bien pire que celle que nous connaissons ici.
Demander sans cesse à nos concitoyens français de confession musulmane de "se désolidariser" de ces cinglés qui n'ont rien de commun avec le véritable islam. Demande-t-on aux chrétiens de se désolidariser des crimes commis par le KuKluxKlan ou l'Inquisition?
Cette demande qui revient régulièrement, et que j'ai vu encore récemment émise par quelques responsables politiques pour lesquels j'avais encore un peu d'estime...

Je suis comme tout le monde choquée et horrifiée par ce qui s'est passé vendredi dernier. Mais je crois que je suis encore plus inquiète et effrayée par la réponse de notre gouvernement et de notre classe politique.
Je me demande quel futur j'offre à mes trois petits garçons. Je me demande si dans quelques mois ou années nous ne pleurerons pas les choix politiques qui sont faits aujourd'hui.
J'ai l'impression que l'Histoire se répète et que l'Homme n'apprend jamais.
On a dit "Plus jamais ça", et on recommence à la première occasion. On ne cesse de répéter que la France est le "pays des droits de l'Homme", "Liberté Egalité Fraternité" toussa, mais on fonce tête baissée vers le côté obscur de la Force.
Nous qui allons bientôt aller voir Star Wars 7, souvenons-nous quand le Sénat Intergalactique a donné les pleins pouvoirs au Chancelier Palpatine.

Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je n'ai aucune qualification en géopolitique ni en droit constitutionnel, je n'y comprends pas grand-chose. J'écoute Bernard Guetta le matin à la radio.
Je suis très inquiète pour l'avenir de mon pays.
Et 129 beaux jeunes gens nous manquent.

En attendant, je vais essayer de reprendre une vie normale avec mes garçons, finir de fabriquer leur calendrier de l'Avent, et profiter de la vie avec eux.

Désolée pour ce billet un peu nul et très confus. J'avais besoin de mettre tout ça par écrit.

vendredi 2 octobre 2015

Ma semaine en médecine générale

Je suis installée depuis presque 9 mois.

Lundi. Ce jour-là je ne travaillais que le matin. J'ai vu 8 patients.

J'ai fait une visite d'aptitude au sport.
J'ai retiré un implant contraceptif, et j'ai écouté la patiente me raconter les mauvais souvenirs de son dernier accouchement, et les séquelles physiques qui lui en restent. Nous avons aussi discuté parentalité positive, elle est en train de lire un livre que je lui ai prêté à ce sujet.
J'ai "soigné" deux virus dont un chez un jeune asthmatique.
J'ai renouvelé sa pilule à une jeune fille et l'ai informée au passage que le frottis qu'on lui avait fait l'an dernier n'était pas nécessaire.
J'ai fait une visite de suivi d'un bébé de 4 mois : sommeil, développement psycho-moteur, examen clinique, poids, taille, PC, vaccins, petites questions de parents. Explication sur le début de la diversification.
J'ai séché (discrètement) devant un sportif qui a mal aux poignets quand il fait des pompes...
J'ai écouté une jeune femme me raconter sa rupture conjugale toute récente et la souffrance qui va avec. 

Puis je suis rentrée, j'ai déjeuné, j'ai ramené mes enfants à l'école, j'ai fait un peu de sport, je suis allée récupérer mes enfants à l'école, j'ai oublié la poussette du petit dernier à l'aire de jeu (oui on peut être médecin généraliste et blonde du cerveau).
Mon mari était de garde, j'ai donc géré seule devoirs, dîner, coucher des 3 enfants.
Après les avoir couché, j'ai refait le tour des articles sortis sur le dépistage mammographique depuis l'an dernier et les ai rassemblés pour mettre à jour mon billet sur Octobre Rose.

Mardi. Journée complète. J'ai vu 25 patients.

J'ai débuté la journée avec une patiente qui présentait un syndrome douloureux abdominal s'aggravant depuis 1 semaine, passée aux urgences la veille, sans diagnostic posé, et j'ai passé 20 min au téléphone avec tous les hôpitaux et cliniques de la région pour lui trouver un rendez-vous de scanner rapide. J'ai trouvé pour le lendemain. Ça m'a mis en retard pour toute la suite de la matinée.
J'ai enchaîné avec un patient qui a "pété les plombs" suite à un reproche injustifié au travail dans un contexte déjà très difficile. Consultation à thème dépressif, en anglais s'il vous plaît. Encore plus en retard...
J'ai vu 2 zonas.
J'ai détecté 2 probables scolioses lors de visites d'aptitude au travail ou au sport.
J'ai examiné et pesé 2 nourrissons de 4 et 7 mois avec une gastro-entérite aiguë, briefé les parents sur la réhydratation, la nécessité de contrôler le poids régulièrement tant que les symptômes durent.
J'ai pas soigné 3 virus, dont un petit qui avait déjà été hospitalisé 2 fois d'urgence pour des laryngites graves, et dont la maman flippait donc un peu que ça recommence, à juste titre. J'ai aussi pas soigné un 4e virus qui se présentait sous la forme d'une belle éruption cutanée qui ne ressemblait à rien de connu (de moi en tout cas).
J'ai soigné une sinusite.
J'ai trouvé une angine à un petit bonhomme de 2 ans 1/2, qui a passé la consult entière accroché au sein de sa mère, mais s'est laissé examiner et prélever la gorge comme un chef. Son papa m'a demandé si je pouvais renouveler son traitement anti-dépresseur. On a discuté sevrage et conclu que ce n'était pas le bon moment pour essayer (sevrage de l'anti-dépresseur hein, pas du sein).
J'ai vu une femme enceinte de 8 mois qui avait mal au dos. On a parlé du suivi du bébé juste après la naissance. Je lui ai donné les coordonnées de notre collègue sage-femme de la commune.
Deux jeunes patients avec des kystes sacro-coccygiens, l'un déjà opéré, dont je devais surveiller la cicatrisation, l'autre qui va devoir se faire opérer.
Un collégien qui a des céphalées de tension car ne supporte pas le bruit au collège... J'ai proposé des boules Quies, ça l'a fait rire...
Un deuxième patient dépressif, amené par son épouse qui est une de mes connaissances. Pas évident de se positionner...
Une personne âgée traitée pour HTA et diabète. Le diabète allait bien, la TA un peu moins. Mais comme elle a très mal à l'épaule depuis une chute, on a essayé de s'occuper de l'épaule, afin que le soulagement de la douleur permette peut-être de faire baisser la tension.
J'ai mis à jour les vaccins de 2 jeunes parents, et j'en ai profité pour peser le bébé de 15 jours que j'avais déjà vu la semaine dernière avec une prise de poids moyenne. On a discuté sur les biberons, les coliques, faut-il changer de lait ou pas...
Je me suis encore sentie nulle devant un sportif qui avait mal au genou. (Je hais les genoux ça devrait être interdit!)

Pendant la pause déjeuner j'ai fait ma comptabilité, suis allée déposer à la banque les chèques de la semaine dernière, j'ai discuté avec mon associé de la marche du cabinet, de la démographie médicale problématique du canton, et que nous allions pouvoir envisager de prendre un collaborateur dès que la MSP serait enfin sortie de terre. Nous avons aussi discuté de quelques patients complexes.

Vers 19:30 je suis rentrée chez moi, j'ai dîné avec ma famille. Après avoir couché les enfants je me suis mis un coup de pied au c... pour ressortir à mon cours de zumba, pendant lequel m'est venue l'idée de ce billet.

Mercredi. Journée complète, 24 patients.
J'ai commencé la journée par un changement de DIU, Mirena pour cuivre, car la dame n'a pas supporté le Mirena.
J'ai revu la jeune femme à la rupture conjugale vue 2 jours plus tôt, qui vraiment n'allait pas bien.
J'ai vu un enfant qui s'était peut-être cassé le poignet. Après réalisation d'une radio, il s'était bel et bien cassé le poignet. Je ne sais pas faire les plâtres, j'ai donc conseillé à sa maman de l'emmener aux urgences avec la radio.
J'ai pris entre deux un patient âgé avec une infection urinaire, qui ne pouvait pas revenir l'après-midi car il prenait la route pour rentrer dans sa région (oui je sais je suis trop gentille). 
J'ai enlevé un bouchon de cérumen. (Croyez-le ou non, j'aime bien déboucher les oreilles. J'aime le sentiment du travail accompli devant un beau conduit auditif bien dégagé, et l'air dégoûté des gens qui voient ce qui vient d'en sortir, "ah oui quand même!")
J'ai ausculté un bébé d'un an qui avait une laryngite qui traîne depuis 10 jours. Je me suis demandé si la durée d'évolution pouvait justifier d'un traitement antibiotique. Finalement je n'en ai pas prescrit.
J'ai reçu un enfant de 3 ans 1/2, pour des maux de ventre. J'ai eu un mal fou à l'examiner malgré toute ma diplomatie. Il a hurlé tout du long à en faire trembler les murs... Dur dur quand les petits ont été traumatisés par trop d'examens médicaux plus ou moins brutaux.
J'ai fait la visite du 11e mois de petits jumeaux avec les vaccins. Là encore beaucoup trop de décibels pour mes fragiles oreilles (surtout sur la fin...). Nous avons discuté avec la maman, un bébé chacune sur nos genoux, elle m'a raconté sa reprise du travail (ouf enfin du repos!)
Une autre visite de nourrisson, du 5e mois cette fois-ci, plus cool celle-là. Forcément, à 5 mois il n'y a pas de vaccins.
J'ai vu un petit avec une conjonctivite allergique unilatérale récidivante, un truc bizarre... Pas trop grave heureusement. Nous avons convenu avec la maman que tant que les manifestations n'étaient pas plus gênantes, le mystère resterait entier.
J'ai vacciné 2 grands enfants.
J'ai revu une patiente que je suis depuis quelques mois pour un problème de harcèlement professionnel. Elle a fini par être licenciée, son calvaire est donc bientôt fini. Mais c'est difficile pour elle de rebondir.
Encore une visite de nourrisson, enfin grand nourrisson, 2 ans 1/2, et encore un vaccin.
J'ai fait deux visites d'aptitude au sport pour deux soeurs de 6 et 8 ans, ce qui m'a permis de soulever auprès de leur maman un problème de surpoids manifeste et déjà assez sérieux. Elles vont prendre ensemble rendez-vous avec la diététicienne du village. Je me suis posé la question d'une puberté précoce chez la plus grande. Après vérification rapide des critères, en fait non.
Entre 2 consults j'ai fait une prolongation de dispense de sport pour une lycéenne avec une tendinite.
J'ai revu un des nourrissons avec une gastro vu la veille pour contrôler son poids. Poids stable, ça allait un peu mieux.
J'ai reçu une dame qui souffrait d'une mycose vaginale et d'un capsulite rétractile de l'épaule.
J'ai reçu une jeune femme en début de grossesse, épuisée par des vomissements constants et un travail très physique. Je lui ai fait un arrêt de travail, lui ai donné des conseils d'alimentation (et ma fameuse et incontournable recette de boisson citron-gingembre), et prescrit des anti-nauséeux.
Ah, il y a aussi eu 2 virus et une sinusite.
Et enfin la dernière patiente de la journée, arrivée à 18:58 au lieu de 18:40, à la seconde près où j'allais débrancher l'interphone... Pour un motif de consultation peu précis, j'avoue que j'ai peut-être troussé un peu vite la consultation...
Au cours de la journée j'ai aussi relevé et archivé les résultats d'examens biologiques, ouvert le courriers, scanné et indexé les compte-rendus médicaux.
J'ai répondu au téléphone à une maman qui s'inquiétait de savoir ce qu'elle pouvait faire pour son bébé fébrile.

Je suis rentrée chez moi à 19:45.

Jeudi. Journée complète. 22 patients.
Le planning de la matinée s'est rempli le matin même, ce qui est assez propice aux consultations pour virus: 4 virus, dont un chez une femme enceinte.
Un patient qui a eu des point de suture à la main aux urgences il y a 3 jours, a refusé l'arrêt de travail proposé pour ensuite réaliser qu'en fait il ne pouvait pas conduire, et s'est fait éconduire des urgences lorsqu'il y est retourné pour demander ledit arrêt de travail, et a donc atterri devant moi. Bon ben voilà, je lui ai fait son arrêt de travail.
Une grosse entorse de la cheville. Glace, attelle, repos, et kiné.
J'ai revu un bébé de 23 jours, déjà vu la semaine dernière, avec une prise de poids médiocre, et en plus un petit rhume. Nous avons refait le tour avec la maman sur le déroulement de l'allaitement, et je lui ai prêté mon DAL pour qu'elle essaie de la compléter en LM tiré.
J'ai fini la matinée avec une patiente très handicapée par un dos en très mauvais état et dont l'emploi plutôt physique est peu compatible avec ses lombalgies chroniques... Nous avons discuté retraite anticipée, invalidité, toutes options non financièrement envisageables pour elle... Je n'ai donc pas trouvé de solution plus satisfaisante que de majorer son traitement antalgique et de lui refaire un énième arrêt de travail.

Après la pause repas, et encore un peu de lecture et classement de résultats d'examens, je suis allée à l'EHPAD du coin où je suis allée voir une dame qui avait une douleur cervicale et une mycose buccale. J'ai renouvelé plusieurs ordonnances en retard (des bilans prescrits par téléphone, des bas de contention...)

L'après-midi, encore une visite d'aptitude au sport. Nous avons parlé avec la dame des difficultés de la vie quotidienne avec son enfant atteint d'une maladie rare, et de la prochaine visite au CHU à Paris.
Une jeune femme qui voulait reprendre sa pilule.
Une ado avec des maux de ventre, probablement d'origine virale.
J'ai revu une dame que je suis depuis plusieurs mois pour divers problèmes physiques en cours de bilan, et un problème de mal-être et de conflit professionnel. Elle était encore bien fragile, je lui ai donc prolongé son arrêt de travail de 2 semaines.
J'ai revu un monsieur, un peu rustre, un peu grincheux, mais qui (je crois) m'aime bien en fait, qui vient me voir très souvent pour que je trouve ENFIN pourquoi il a toujours mal au ventre, alors que tous les examens possibles ont déjà été faits et que manifestement il souffre d'une colopathie fonctionnelle. Pas facile de faire accepter que oui il a mal, mais que non il n'y a rien sur les examens.
J'ai compati sincèrement aux malheurs de son épouse qui a eu la malchance de contracter la coqueluche il y a quelques semaines et tousse donc à s'en décrocher les bronches.
J'ai revu ma patiente de mardi avec sa douleur lombo-abdominale, et son scanner, qui ne trouvait rien... Et elle avait toujours mal... Je suis revenue sur mon hypothèse diagnostique initiale plutôt rhumatologique que viscérale, dont je m'étais éloignée après son passage aux urgences où on avait plutôt évoqué un problème urinaire. Je lui ai prescrit d'autres examens et ai essayé d'adapter au mieux son traitement antalgique en attendant d'avoir le fin mot de cette histoire.
J'ai vu une jeune fille avec une "cysphrite" (Cc Jaddo), c'est-à-dire une cystite mais avec de la fièvre, mais pas encore une pyélonéphrite.
Entre deux j'ai pris sans rendez-vous un monsieur asthmatique qui rechutait, à qui il a fallu represcrire de quoi traiter la crise et reprendre son traitement de fond.
J'ai reçu un jeune garçon qui avait "des boutons dans le cou". En fait il s'était arraché la peau à force de se gratter la nuque, et pour cause il avait les cheveux plein de poux... (Aaargggh! Ca y est ça me gratte!)
Puis un jeune homme qui présentait des saignements de nez récidivants depuis plusieurs jours. Je n'ai retrouvé aucun facteur déclenchant, ni HTA ni prise médicamenteuse ni rien. Je lui ai conseillé si cela continuait d'aller voir un ORL, et lui ai donné les conseils d'usage pour arrêter les épistaxis.
J'ai terminé la journée avec deux personnes qui préparaient un voyage en Asie et qui venaient se faire vacciner. "Etonnament" le jeune homme a fait un malaise vagal après les injections... Pendant qu'il se reposait les jambes en l'air j'ai inspecté les carnets de santé du reste de la famille pour mettre tout à jour.
Ensuite j'ai revérifié toute la compta de la semaine.

Je suis rentrée à 19:45, j'ai fait mangé et couché les enfants puis me suis affalée devant la télé...

Vendredi. FREEDOM FREEDOM
Jour de "repos" aka jour de mère au foyer.
Ecole, courses, retour école, aire de jeu, goûter, etc etc, soirée Cobayes devant la télé avec les deux grands.

Samedi matin. 11 patients.
J'ai fait la visite du 9e mois d'un bébé et les visites d'aptitude au sport de ses deux parents.
J'ai vu une personne très anxieuse qui avait mal dans la poitrine. Une probable douleur costale en définitive.
J'ai autorisé un jeune homme à sauter dans le vide (oui ok à faire un baptême de parachute!)
J'ai vu un jeune homme avec un kyste sous-cutané inflammé et douloureux. Lui ai donné les conseils de soins locaux, et les coordonnées d'un chirurgien s'il souhaitait se le faire retirer.
Un virus, une angine, une cystite.
J'ai pris en plus un patient venu sans rendez-vous pour un abcès dentaire.
Puis je suis allée faire une visite en urgence à l'ehpad pour un patient qui respirait mal. Je me suis demandée si son ausculation pourrie était uniquement infectieuse (il avait de la fièvre), ou s'il y avait une part de décompensation cardiaque. Je l'ai mis sous antibio et ai prescrit un bilan pour le lundi.
Je suis rentrée chez moi à 13h.

Au cours de cette semaine j'ai donc vu 90 patients, âgés de 15 jours à 89 ans.
Parmi toutes ces sonsultations: 15 viroses ORL, digestives ou cutanées, 12 problèmes infectieux non viraux (ORL, urinaires...), 2 problèmes liés à la grossesse, 5 motifs gynécologiques ou de contraception, 9 visites d'aptitude au sport, 8 visites de suivi de nourrissons, 4 nourrissons malades, 7 consultations à dominante psychologique, 8 problèmes articulaires (traumatologiques ou rhumatologiques), 10 vaccinations.

J'ai aimé mon travail. Je suis installée depuis 9 mois. Jusqu'ici tout va bien. (Comme disait l'homme qui tombait du 7e étage...)


jeudi 11 juin 2015

L'usage abusif des examens médicaux -- Un nouveau facteur de risque médical? (Traduction)

Aujourd'hui je reprends mon activité de traductrice amateure, pour vous proposer une traduction d'un article écrit par le Dr Carlos Martins, du Département de Médecine Générale de l'université de Porto (ville très agréable que je viens d'ailleurs de visiter la semaine dernière. Non ça n'a rien à voir...). Heureusement pour moi il l'a écrit en anglais, parce que mon portugais se résume à "Obrigada" et "Pasteis de Nata" (googlez, vous comprendrez!).
Donc cet article publié sur son blog hébergé par le BMJ (oui il a un peu plus la classe que moi, on fait ce qu'on peut...), m'a semblé très intéressant, et j'ai eu envie de la faire partager à la communauté non anglophone.
Voici le lien vers l'article original: http://blogs.bmj.com/bmj/2015/04/24/carlos-martins-overuse-of-medical-tests-a-new-health-risk-factor/


L'usage abusif des examens médicaux – Un nouveau facteur de risque pour la santé?


Un facteur de risque est, entre autres, un aspect du mode de vie ou du comportement personnel qui, sur la base d'observations épidémiologiques, est connu pour être associé avec des problèmes de santé que l'on considère importants de prévenir. (1)

Un nouveau comportement peut être observé dans la population générale des pays occidentaux : la façon dont les patients utilisent les services médicaux à des fins préventives et la fréquence à laquelle ils passent des examens médicaux et autres dépistages. Les observations montrent une tendance alarmante à l'usage excessif des services de santé préventifs (2, 3). Au Portugal par exemple, une récent étude de population croisée a montré que la majorité des adultes portugais pensent qu'ils devraient faire des analyses de sang et d'urine de routine de façon annuelle.
Une proportion importante de la population pense même que d'autres tests, encore moins recommandés sont nécessaires, tels que radiographie des poumons, échographie mammaire, abdominale ou gynécologique.

Ce type de comportement est en partie justifié par la croyance culturellement enracinée qu'il est nécessaire de faire des "check-up" médicaux réguliers. Réaliser des check-up médicaux réguliers est une pratique qui n'est pas basée sur des preuves, car cela ne réduit pas la mortalité ni la morbidité, ni dans l'ensemble ni spécifiquement pour les maladies cardio-vasculaires ou cancéreuses, alors qu'ils augmentent le nombre de nouveaux diagnostics (4).
Les campagnes de "disease-mongering" [que l'on pourrait imparfaitement traduire par "façonnage de maladies"-NDT], la plus grande variété et disponibilité des tests médicaux, et la notion répandue que plus de médecine est toujours mieux, sont d'autres facteurs qui ont pu contribuer au développement de ce comportement. Cependant, nous devons aussi considérer l'hypothèse que la consultation médicale a évolué d'un modèle paternaliste à ce que nous pourrions appeler un modèle consumériste. C'est le genre de consultation où le patient obtient ce qu'il veut, ce qui est assez différent du modèle idéal de "décision partagée".

Il y a de plus en plus de preuves que ce comportement est associé à des dommages, et on considère ces dommages comme devant être prévenus. Les faux positifs, les incidentalomes, les sur-diagnostics, et la cascade résultante de prises en charges sont autant de dommages qui peuvent altérer significativement la qualité de vie de personnes en bonne santé (5).

C'est pourquoi, par définition, on pourrait considérer que nous sommes face à un nouveau facteur de risque de santé: l'utilisation excessive et inappropriée d'examens médicaux. Bien sûr, il y a une certaine dose d'ironie dans cette constatation, puisque l'attribution excessive de "facteurs de risques" à des personnes en bonne santé a été une des principales causes de la transformation de tant de gens en bonne santé en patients (6). Cependant, il est fort probable que la plupart des gens ne savent pas qu'ils encourent des risques quand ils se soumettent à des examens médicaux. Concernant le domaine pharmaceutique, nous reconnaissons tous que les patients sont conscients des possibilités d'effets indésirables de chaque médicament. Mais, la plupart de nos patients n'ont jamais entendu parler des effets indésirables d'un examen médical. Certains patients ne prennent pas un nouveau médicament sans avoir auparavant lu le Résumé des Caractéristiques du Produit décrit sur la notice contenue dans la boîte. Ne serait-il pas temps d'introduire des régulations aux examens médicaux et de créer un Résumé des Caractéristiques de l'Examen? Cela pourrait être un outil-clé de communication à ce sujet. Un outil correctement structuré devrait employer un langage accessible à tous, mais pas nécessairement aussi dense que le Résumé des Caractéristiques du Produit. Ce document devrait inclure des paragraphes tels que "Indications", "Dommages possibles", "Valeur Prédictive selon la prévalence", "Nombre nécessaire de dépister", et "Nombre nécessaire pour léser". Cette suggestion mériterait d'être expérimentée. Cela aurait-il un impact sur la façon dont les gens en bonne santé considèrent les examens médicaux? C'est une question importante qui nécessite une recherche appropriée.

Néanmoins, si nous voulons prévenir le sur-diagnostic et d'autres dommages potentiels liés à l'usage des examens médicaux excessif et non basé sur les données scientifiques par les gens en bonne santé, nous devrions commencer à imaginer des stratégies de communication pour expliquer à nos populations ce que l'on entend par dommages potentiels, faux positifs, et sur-diagnostic. Ce n'est qu'en comprenant le sens de ces concepts et en connaissant la probabilité de retirer un bénéfice ou un dommage d'un examen, que le patient sera capable de prendre une décision en coopération avec son médecin, et en évitant un modèle consumériste de l'utilisation des examens médicaux. 

Références:

1) International Epidemiological Association. A dictionary of epidemiology 4th ed. Oxford University Press, 2001
2) Brotons C, Bulc M, Sammut MR, Sheehan M, Manuel da Silva Martins C, Björkelund C et al. Attitudes toward preventive services and lifestyle: the views of primary care patients in Europe. The EUROPREVIEW patient study. Fam Pract 2012; Suppl 1:i168-i176.
3) Martins C, Azevedo LF, Ribeiro O, Sa L, Santos P, Couto L, et al. A population-based nationwide cross sectional study on preventive health services utilization in Portugal— What services (and frequencies) are deemed necessary by patients? PLoS ONE 2013;8:e81256.
4) Krogsboll LT, Jorgensen KJ, Gronhoj Larsen C, Gotzsche PC. General health checks in adults for reducing morbidity and mortality from disease: Cochrane systematic review and metaanalysisBMJ 2012;345:e7191
5) Welch HG. Overdiagnosed: making people sick in the pursuit of health. Beacon Press, 2011
6) Gervas J, Starfield B, Heath I. Is clinical prevention better than cure? Lancet 2008;372:1997–9

mardi 28 avril 2015

La diversification alimentaire

Au cabinet, je suis beaucoup de nourrissons. Étant aussi comme vous le savez maman de 3 enfants dont un nourrisson, le domaine de la diversification alimentaire m'est assez familier.
J'ai entendu parler sur Twitter du concept de "Diversification menée par l'enfant", et ça m'a intéressée, vu que la diversification avec mon 2e fils a toujours été assez compliquée, et qu'aujourd'hui encore à 4 ans il a un régime alimentaire très peu divers (à base principalement de chocolat en fait...)
Et puis récemment j'ai lu ce formidable bouquin: Mon enfant ne mange pas de Carlos Gonzalez
Depuis je n'embête plus mon fils pour qu'il finisse son assiette. Et cela a renforcé ma motivation pour diversifier MiniMarmot de façon libre et sans contrainte.
Résultat à 8 mois il mange plus et plus varié que son grand frère... (Bon ok, il y a sûrement un facteur propre à chaque enfant...)

Du coup à l'aune de ces récentes lectures, discussions et expériences personnelles, j'ai rédigé pour le cabinet un document pour aider les parents à s'y retrouver dans la littérature fournie et parfois contradictoire sur le sujet. Je le partage ici, si ça peut servir à des parents ou à mes chers confrères/soeurs.

*Roulement de tambours*

Quelques conseils sur la diversification alimentaire

Entre 4 et 6 mois, commence la période appelée "diversification alimentaire", lorsque le bébé jusqu'ici nourri uniquement de lait (maternel ou artificiel), découvre les autres aliments.

Il existe de nombreuses recommandations sur la façon de procéder pour cette diversification, qui changent selon les époques, selon les pays, ou selon les médecins à la même époque et dans le même pays... Comment s'y retrouver parmi tous ces conseils contradictoires? Qui a raison? Probablement un peu tout le monde et un peu personne.

Je vous propose dans ce document quelques grands principes pour vous guider, à vous parents de l'adapter selon vos possibilités, votre rythme de vie et surtout selon votre enfant.

Il existe actuellement plusieurs "écoles" concernant la façon de diversifier l'alimentation des nourrissons.
La diversification "classique", que vous pourrez trouver en détail sur le site internet http://www.mangerbouger.fr/pour-qui-242/enfants/la-phase-de-diversification-6-mois-3-ans/, où l'on commence à 4 mois à proposer des soupes de légumes, puis des compotes de fruits, de façon très progressive, au biberon ou à la cuillère.
La diversification dite "menée par l'enfant", que vous pourrez découvrir sur le site http://www.diversificationalimentaire.com/, où l'on commence à partir de 6 mois, de façon beaucoup plus libre, en donnant directement des aliments solides que l'enfant peut porter à sa bouche lui-même.

Je ne pense pas qu'il existe UNE bonne façon de faire, d'ailleurs ces 2 méthodes peuvent tout à fait être mixées et utilisées simultanément.

Quand commencer?

Les recommandations internationales (OMS, UNICEF, Société Européenne de Nutrition Pédiatrique...), recommandent un allaitement exclusif (au lait maternel de préférence) jusqu'à 6 mois.
Les sociétés d'allergologie préconisent afin de limiter les risque d'allergies alimentaires d'introduire un maximum d'aliments entre 4 et 6 mois (il semblerait que cette période soit la plus propice en terme de tolérance immunitaire).
Il parait donc raisonnable de commencer à 4 mois si l'enfant semble intéressé et motivé par l'alimentation complémentaire, et d'attendre 6 mois dans le cas contraire. On peut aussi adapter selon le développement du bébé, son tonus (se tient-il bien assis, porte-t-il les objets à la bouche...).

Le lait

De toutes façons, l'alimentation complémentaire est et doit rester comme son nom l'indique "complémentaire", jusqu'à l'âge de 12 mois. Pendant cette première année de vie, l'essentiel des calories et besoins nutritionnels reste couvert par le lait, qu'il soit maternel ou artificiel.
Si l'enfant est allaité, on peut continuer à proposer la tétée à la demande. Il vaut mieux proposer la tétée avant l'alimentation solide, afin de ne pas induire un sevrage par une baisse de la consommation de lait. En cas d'allaitement maternel exclusif prolongé avec une alimentation complémentaire peu importante il peut être nécessaire de supplémenter en Fer. A voir avec le médecin de l'enfant. S'il est nourri au biberon, il doit boire au moins 500mL de lait par jour, en utilisant du lait infantile 2e âge (le lait de vache étant trop pauvre en Fer, et trop riche en protéines). Par contre à partir de 12 mois on peut utiliser du lait de vache, entier de préférence et non Demi-écrémé. Les laits de croissance n'ont aucun intérêt nutritionnel, d'autant qu'ils sont le plus souvent sucrés.
Si l'enfant refuse de boire du lait au biberon, ou à la tasse, on peut lui proposer à la place des laitages (fromage blanc, yaourts, petits suisses, toujours de préférence au lait entier).

Les fruits et les légumes

Il est possible de les proposer donc à partir de 4 mois ou 6 mois. Il n'y a pas d'ordre particulier recommandé ni de quantités minimales ou maximales. Respecter les goûts et les besoins de l'enfant. Les légumes peuvent être proposés en purée ou en soupe, ou écrasés à la fourchette. Dès que l'enfant sait saisir et porter des objets à la bouche, on peut lui proposer des légumes en morceaux (bâtonnets de carotte, de courgettes, bouquet de chou-fleur, haricots verts...). L'enfant n'en avalera probablement pas beaucoup au début, la majorité se retrouvera par terre, sur les vêtements, dans les cheveux. Cela n'a pas d'importance. L'enfant fait connaissance avec les aliments, les goûts, les textures et la mastication (il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'attendre que l'enfant ait des dents). De même les fruits peuvent être proposés en compote (sans sucre ajouté), écrasés, ou cru en morceaux à grignoter. Privilégier si possible les fruits et légumes bio, et de saison.
Vous pouvez faire goûter à votre enfant tous les fruits et légumes qui sont au menu des adultes ou enfants plus grands.

Les céréales

Il est recommandé d'introduire le gluten (contenu dans tous les dérivés de blé: farine, pain, pâtes...) progressivement entre 4 et 7 mois. Selon ses capacités motrices et de mastication, l'enfant peut consommer du pain (un croûton un peu dur à sucer), du riz bien cuit, des pâtes bien cuites, de la semoule, et toute autre céréale. Par contre il n'y a pas d'intérêt à ajouter des céréales en poudre au biberon (notamment pour le biberon du soir, contrairement à l'idée reçue, cela n'aidera pas l'enfant à mieux dormir...)

Les protéines animales

Dès 4-5 mois l'enfant peut consommer du poisson (écrasé à la fourchette, consommé à la cuiller ou à la main), de la viande (mixée ou présentée en gros morceaux à prendre à la main), des oeufs (à la coque, omelette, dur...), des fromages. Il n'est pas nécessaire de consommer des protéines animales tous les jours. En dehors du lait, une fois par jour est suffisante. Un régime végétarien est d'ailleurs possible pour un nourrisson, à condition qu'il consomme en plus au moins 500mL de lait infantile ou équivalent en produits laitiers, ou allaitement maternel à la demande. Le régime végétalien n'est par contre pas adapté au nourrisson.

Les boissons

La seule boisson intéressante en dehors du lait est l'eau. Pour un nourrisson allaité à la demande, elle n'est même pas nécessaire. S'il a soif il prendra une petite tétée. Il est possible toutefois de proposer de l'eau si l'enfant a soif et que la mère n'est pas disponible ou ne souhaite pas proposer le sein à ce moment-là. Dans ce cas il vaut mieux proposer de l'eau à la tasse qu'au biberon.
Pour les nourrissons nourris au lait artificiel, il est possible entre les biberons de proposer de l'eau à volonté.
Il est possible de proposer après 6 mois des tisanes ou du thé léger. Par contre les boissons sucrées type soda, qu'elles soient gazeuses ou plates sont à proscrire avant l'âge de 3 ans.
Les jus de fruits (pur jus, sans sucre ajoutés), peuvent être proposés occasionnellement et en petite quantités.

Le sucre, le sel, les friandises

Les plats de légumes/viande/poisson doivent être cuisinés sans sel ajouté. Les fruits et laitages, sans sucre ajouté. Si l'enfant n'apprécie pas trop le laitage nature, il est préférable de le sucrer en ajoutant un peu de compote de fruit.
Concernant les friandises et pâtisseries, éviter autant que possible les produits industriels. Il est possible de faire goûter à l'enfant des pâtisseries maison, occasionnellement, en petite quantité. Il vaut mieux en rester aux produits simples et le moins transformés possible.

Petits pots, ou fait maison? 

Comme vous voulez/pouvez! 
Sur le plan nutritionnel, les petits pots pour bébé sont très équilibrés. Les teneurs en résidus de produits chimiques (pesticides...) sont très strictement contrôlés, et plus basses que dans les produits tout publics (compotes ou purées de légumes). On peut ensuite discuter de leurs qualités gustatives...
Si vous aimez faire maison, utilisez au maximum les ingrédients qui sont prévus au menu des plus grands, en adaptant la quantité et la texture. Privilégiez autant que possible les produits bio ou de filière raisonnée.  

Les quantités à proposer, le rythme des repas

Comme je l'ai déjà évoqué, l'alimentation hors lait est "complémentaire". Les besoins nutritionnels sont couverts intégralement par le lait jusqu'à 12 mois. Il n'y a donc pas de quantité minimale imposée. Les enfants, comme les adultes, ont des appétits très variables, et leur rythme et leurs besoins doivent être respectés. Si l'enfant n'est pas prêt à manger diversifié, il ne faut pas forcer la main. Attendez quelques jours/semaines, puis reproposez.
De même, le fait d'avoir des horaires fixes pour les repas relève d'une convention sociale, et non d'un besoin physiologique. Les petits enfants peuvent avoir besoin de faire de très petits repas, très souvent. Il est fort possible qu'un nourrisson continue à manger 5 à 6 fois par jour jusqu'à 1 an et même après.
Lorsque votre enfant ne veut pas finir son assiette, mais redemande à manger peu après, regardez son abdomen et tentez de vous représenter quelle taille peut faire son estomac. Vous réaliserez vite qu'on a souvent tendance à proposer des portions beaucoup trop grosses...

Quoi qu'il en soit, en conclusion

Quelle que soit la méthode que vous employez, la diversification alimentaire doit être une découverte pour l'enfant, un apprentissage progressif, qu'il doit pouvoir mener à son rythme et avec plaisir.
Un enfant en bonne santé sait combien il a besoin de manger, et ne se laisse jamais mourir de faim.
Pour cette raison, NE FORCEZ JAMAIS JAMAIS JAMAIS votre enfant à manger!

Un conseil de lecture au sujet de l'alimentation des enfants:

"Mon enfant ne mange pas" du Dr Carlos Gonzales aux éditions de La Leche League, disponible sur le site internet de La Leche League



Voilà, c'est tout. C'est volontairement pas très directif, loin des conseils de type "midi, 25g de courgettes, 1 c. à café de poulet" etc... Je suis intéressée par tous vos commentaires et remarques, je suis prête à éditer le document si besoin. 

jeudi 2 avril 2015

Tant va la cruche à l'eau...

Les consultations pour burn-out. Elles se ressemblent toutes. Nous en avons tant. Beaucoup trop.
Quand j'étais remplaçante et que je faisais des bonnes grosses semaines j'en voyais plusieurs par semaine. En rempla régulier j'en ai suivi plusieurs au long cours. Depuis mon installation, je n'ai pas encore beaucoup de patients mais j'en suis déjà deux.
A notre époque bénie où le management par la pression est devenue la norme en entreprise, quoi de moins étonnant... Les travailleurs frontaliers ayant tenté leur chance en Suisse sont les plus exposés.

La dernière en date, je l'ai vue ce matin, pour la deuxième fois, au bout de sa première période d'arrêt de travail de 15 jours.
Executive woman, la quarantaine soignée, 4 enfants, gérante d'une filiale d'une grosse société. Et là tout s'écroule.

Ces consultations ont toutes des points communs. Il y a des phrases que tous les patients me disent, et d'autres que moi je prononce à chaque fois.Il y a quasiment toujours des larmes.
"Docteur je n'en peux plus. Je ne dors plus, j'y pense toute la nuit. Je ne peux plus aller travailler. Dès le matin, dans la voiture, j'ai la gorge serrée/la boule au ventre/je pleure/j'ai la nausée..."
"J'ai donné xx années à cette entreprise, je me suis impliqué/e, j'y ai mis beaucoup d'énergie. Ça ne peut pas se terminer comme ça."
"Je n'ai plus aucune reconnaissance dans mon travail. Quand j'atteins les objectifs fixés on m'en assigne d'autres encore plus élevés."
"Il y a déjà xx personnes en arrêt de travail dans mon service. Elles n'ont pas été remplacées bien sûr, on nous a donné leur part de travail."
"On m'envoie des mails/on m'appelle chez moi à 21h/22h/le dimanche (y compris pendant l'arrêt de travail), et je ne peux pas m'empêcher de répondre... Je n'arrive pas à débrancher le portable, à ne pas ouvrir la boîte mail. J'ai mauvaise conscience d'être absent/e, je culpabilise."
"Non non docteur je ne peux pas m'arrêter. Comment vont-ils faire?
-Et si vous aviez eu un accident de voiture?
-Oui je sais mais...
-Ben c'est pareil. Vous n'êtes PAS DISPONIBLE. Vous connaissez l'expression "Les cimetières sont pleins de gens indispensables"?
-Oui docteur, mais vraiment, moi c'est pas pareil.
-Si Si c'est exactement pareil. Vraiment. On va commencer par un arrêt de 2 semaines.
-QUOI deux semaines? Oh non Docteur c'est trop long, vous ne croyez pas qu'une semaine ça suffirait?
-Je suis sûre que non."
Et de fait l'arrêt de 2 semaines n'est que le début d'une série de prolongations qui dureront en général plusieurs mois.

Selon l'intensité des troubles, les désirs du patient, on n'arrive ou pas à gérer la période sans médicaments. Parfois on est obligé de passer par les anxiolytiques +/- somnifères, tant la personne est perturbée dans sa vie quotidienne. Parfois quand les choses sont enkystées on est obligés d'en venir aux anti-dépresseurs. Parfois on arrive à faire sans rien.

Ce sont toujours des consultations longues et éprouvantes. Au minimum 45 minutes d'écoute, de soutien et de dialogue. Démonter l'impression du patient d'être un faible, d'avoir failli parce que "je comprends pas docteur pourtant ce n'est pas mon genre de craquer... J'ai toujours géré/tenu la barque... Je ne pensais pas que ça pouvait m'arriver à moi!"
Oui, jusqu'au jour où. Chacun a ses limites, qu'il/elle rencontre plus ou moins tard.
Je dis toujours à ces patients que je vois des gens dans la même situation qu'eux plusieurs fois par semaine. Ça les étonne mais les soulage de savoir qu'ils ne sont pas seuls.

Je les arrête toujours pour 2 semaines d'emblée, malgré leurs protestations. Au bout des 2 semaines ils reviennent me demander de prolonger... Pendant ces 2 semaines, je leur donne des consignes claires: éteindre le portable professionnel, ne pas ouvrir la boîte mail (ce qui est plus ou moins bien respecté...). Pendant les premiers jours, ne rien faire hormis se reposer. Dormir tout son saoul. Avec cachets si besoin. Si ça doit passer par 24-48h au lit d'affilée, so be it.
Ensuite, utiliser le reste de l'arrêt pour se consacrer à soi. S'occuper de soi, et se faire plaisir. Sortir se promener, faire du sport, du shopping, aller nager, au cinéma, chez le coiffeur ou l'esthéticienne, n'importe quoi du moment que c'est par plaisir.
Ma patiente de ce matin a trouvé son repos dans la cuisine et le jardinage. "Je suis allée au marché, ça faisait des années que je ne l'avais pas fait... J'ai levé les yeux et regardé les arbres, je me suis dit purée ça fait combien de temps que je n'ai pas vu un magnolia en fleur?!"
Les jeunes parents retrouvent le plaisir d'être à la sortie de l'école pour chercher leurs enfants, d'avoir du temps pour jouer avec eux. Ma patiente de ce matin était toute heureuse de me raconter la partie de Monopoly qui avait fait tant plaisir à son fils de 12 ans.

Au bout de quelques semaines, quand la personne a pu lâcher prise, reprendre un peu pied, je commence à les encourager à envisager leur avenir professionnel. En général ils ne peuvent plus concevoir de retourner reprendre leur poste précédent. La plupart du temps, l'employeur bien entendu ne veut pas licencier, et préfère jouer le pourrissement de la situation jusqu'à ce que l'employé démissionne de lui-même. Vient alors le temps des consultations chez le médecin du travail, de l'inspection du travail, parfois des prud'hommes. Certains patients ont facilement des idées de reconversion. D'autres sont tellement vidés qu'ils n'arrivent pas à envisager quoi que ce soit. Certains ont des compétences qui font qu'il est très difficile pour eux d'espérer trouver un autre emploi, surtout en nos temps bénis de pas-très-plein-emploi... Dans ces cas il arrive que la situation stagne pendant des mois et des mois...

Ces patients font partie de nos nombreux contemporains qui sont à la base en bonne santé mais sont rendus malades par la société dans laquelle nous vivons, qui est elle-même malade à un stade avancé.
Je suis maintenant habituée à épauler ces patients, avec plus ou moins de succès, mais je suis toujours impressionnée par les dégâts qu'un travail peut provoquer sur une vie.
J'aimerais que les employeurs comprennent qu'un employé heureux au travail est plus productif qu'un employé pressuré jusqu'à la moelle. J'aimerais faire beaucoup moins de ces consultations de burn-out.

Pour s'informer: http://www.burnout-info.ch/fr/
 Syndrome d'épuisement professionnel sur Wikipedia  (une grosse bibliographie en fin d'article

jeudi 12 mars 2015

Première rencontre en EHPAD

Mercredi 14h, j'arrive à l'EHPAD pour voir Mme Michu, pour un renouvellement d'ordonnance. Je ne la connais pas encore, on m'a demandé récemment d'être son nouveau médecin traitant car l'ancien va bientôt partir en retraite.

Avant d'aller la voir je fais un arrêt en salle des infirmières pour consulter son dossier médical, puis je monte à sa chambre.
Mme Michu est à son fauteuil en train de regarder attentivement "Le magazine de la Santé" (preuve d'un état cognitif plutôt bien conservé, mieux que "Les Feux de l'Amour"!)
Elle me regarde entrer avec un air mi-surpris mi-méfiant...

"Bonjour Mme Michu, on ne se connaît pas encore, je suis DrKalee, votre nouveau docteur!
-Aaaah, oui d'accord, bonjour Docteur, entrez, asseyez-vous!
-On m'a appelé pour renouveler votre ordonnance alors je suis passée aussi pour faire connaissance avec vous."

Mme Michu est très souriante et discute bien.

"Oh Docteur, tous ces cachets, vous pourriez pas m'en enlever un peu?!
-On va voir ce qu'on peut faire Mme Michu... (MAIS AVEC PLAISIR!! J'ai déjà repéré 2-3 lignes que je me ferai un plaisir de faire sauter!)
Dites-moi Mme Michu, pourquoi avez-vous voulu changer de médecin?
-Oh c'est ma fille qui a voulu, parce que le DrAncien il va bientôt partir. Et puis c'est bien de changer d'air un peu. Mais vous savez le DrAncien je le voyais jamais. JAMAIS.
-Ah? Euh... Il venait pas vous voir de temps en temps?
-Non.
(Trouver quelque chose de confraternel...
-Bon ben moi je viendrai vous voir pour les renouvellements et puis entre s'il y a un problème.

Mme Michu me raconte son arrivée à la maison de retraite, après être passée en centre de convalescence suite à un AVC qui l'a laissée partiellement paralysée de tout le côté gauche.
Je la questionne sur ses capacités physiques et son autonomie résiduelle.
"J'arrive à marcher un peu, quelques pas si on m'aide. Moi je voudrais marcher plus mais le kiné il vient 15-20 minutes 2 fois par semaine, pas plus, c'est pas beaucoup! Et puis les filles ici elles ont pas le temps alors elles me mettent dans le fauteuil.
C'est comme pour aller aux toilettes, je peux pas y aller seule. Quand je sonne, des fois elles viennent au bout d'une heure, des fois pas. Alors je fais dans ma protection..."
Mme Michu a dû remarquer mon air effaré, et a enchaîné:
"Oui oui, la première fois qu'on m'a dit ça c'était au centre de convalescence. D'habitude je me levais la nuit pour aller aux toilettes, mais là quand j'ai appelé on m'a dit, Non non, mais vous appelez pas pour ça, vous avez une protection, vous faites dedans! Ça m'a fait bizarre au début, vous vous rendez compte, j'ai 78 ans, et tout le temps que ma mère a passé pour me rendre propre, maintenant on me demande de faire dans ma protection! C'est dur vous savez. Mais bon maintenant je m'y suis habituée. J'ai pris mon orgueil, je l'ai mis au fond de ma poche avec un mouchoir dessus...
Et maintenant la nuit quand je fais je ne le sens même plus. Des fois mon lit est mouillé, bon ben c'est comme ça.
Mes enfants ils me disent que je râle tout le temps, mais bon, pourquoi je râlerais pas hein? C'est pas dans la tombe que je pourrai râler!"

Mme Michu me fait de la peine mais elle me fait rire aussi un peu. Je l'aime déjà.

Peu après je passe à la partie Examen clinique. Je tente de lui retirer un pull trop serré pour l'ausculter et lui prendre la tension.
"Il est trop serré ce pull! Je ne le mettrai plus. En tout cas pas quand je saurai que le docteur va venir! Mais vous savez le DrAncien il me prenait jamais la tension...
-Mais les infirmières doivent bien vous le faire de temps en temps?
-Oui parfois... pas bien souvent. Il est joli votre pull à vous d'ailleurs, c'est vous qui l'avez tricoté?
-Ah non, je ne sais pas du tout tricoter...
-C'est du point mousse ça, c'est joli!"

Je l'aime vraiment bien... Je termine mon examen clinique succinct vu les conditions.

"Alors Mme Michu, vous me donnez l'autorisation de faire le ménage dans votre ordonnance?
-Oh oui Dr, allez-y, j'en ai tellement, ils peuvent pas être TOUS utiles?
-Y en a sûrement quelques-un dont on peut se passer... Vous avez des douleurs en ce moment?
-Non pas spécialement.
-Bon ben déjà on va peut-être diminuer un peu les antalgiques (3g de Doliprane en systématique plus du tramadol à bonne dose plus du Lyrica...)
Et puis il y en a quelques autres qu'on va pouvoir arrêter aussi je pense.
-Très bien, eh bien je verrai ce soir, je regarderai s'il y en a un peu moins dans la cuiller qu'on me donne au repas.
-Ça marche. Bon, je vais vous laisser Mme Michu. Je vous dis à la prochaine fois. Passez une bonne après-midi. Je vous remets "Le magazine de la Santé"!"

Voilà. Mme Michu, 78 ans, toute sa tête, "râleuse" d'après sa famille, voudrait juste pouvoir marcher un peu plus, et aller aux toilettes pour faire ses besoins.
Je pense qu'on va bien s'entendre elle et moi.


mardi 3 mars 2015

Toutes les premières fois

Pour ceux qui ne le savent pas encore, Dr Paragliding et moi-même sommes installées et associées depuis maintenant quelques semaines, avec un troisième larron que nous appellerons de façon très originale DrAssocié.

En attendant que la MSP se construise (oui on y croit encore!), nous avons investi un local temporaire où nous sommes plutôt bien installés à quelques détails près, tout à fait correct pour une période de 2-3 ans.

Je suis donc depuis environ 2 mois, un "vrai" docteur! Plus de "allô oui bonjour, non ce n'est pas le DrRemplacé c'est la remplaçante. Oui il revient la semaine prochaine."

Du coup depuis 2 mois, la majorité de mes consultations sont des "premières fois", les gens ne sont jamais venus, il faut leur faire un dossier, faire connaissance et tout et tout.


Les autres médecins de l'agglomération étant passablement surchargés, on a déjà pas mal de patients.
Manifestement nous avons assez bien visé pour l'installation, il y avait un vrai manque de médecins dans cette commune.

Le plus souvent ils viennent à la faveur de la nécessité d'une consultation rapide alors que leur médecin traitant habituel n'a plus de place ou est absent (sur ce coup-là on peut dire que l'épidémie grippale nous a bien aidés!). Dans ce cas je ne rentre pas trop dans les détails de leur histoire (quoique parfois si quand même...). Certains viennent parce qu'ils sont sur la commune depuis peu, ou depuis pas si peu finalement mais n'ont toujours pas de médecin traitant. Nous avons aussi des patients qui viennent de la ville moyenne à 15km parce que là-bas aussi les médecins sont surchargés et que personne n'a voulu les recevoir...
Parfois ils prennent un rendez-vous "juste" pour faire connaissance et remplir le dossier. Ce sont des consultations intéressantes malgré l'absence de demande médicale, et étonnamment la plupart du temps on trouve très bien de quoi discuter 20 min et 2-3 petites choses pour s'occuper (les vaccins pas à jour, les dépistages à discuter...). Parfois ce rendez-vous est l'occasion de faire le point sur les habitudes de vie et de prendre (ou d'envisager de prendre...) des bonnes résolutions (on parle tabac, alcool, sport...)

 On fait le dossier, on remplit les coordonnées, on évoque les antécédents médicaux. Il y a ceux qui "n'ont jamais rien eu", et puis en fait quand on pose des questions plus précises (opérations? allergies? hospitalisations? dépressions?), ont en fait une histoire médicale relativement chargée... Il y a ceux qui nous font une liste sans fin de moult évènements médicaux tous plus insignifiants les uns que les autres en commençant par le rhume de 1972... Il y a ceux qui nous sortent des antécédents abracadabrantesques et des maladies inconnues traitées de façon relativement peu conventionnelle, et dont on prie secrètement mais très fort qu'ils ne nous demandent pas de signer un contrat de médecin traitant...
Certains semblent assez étonnés qu'on leur pose tant de questions, apparemment les autres médecins consultés jusqu'ici ne devaient pas en demander autant... 

Et puis LA question qui souvent étonne: "Avez-vous déjà été victime de violences?"
Certains sont interloqués qu'on leur pose cette question, d'autres trouvent cela très bien, tous répondent sincèrement, et un bon nombre répondent oui... Des femmes dans leur grande majorité... Oui j'ai subi des violences conjugales. Oui j'ai subi des attouchements. Oui j'ai été violée.
Pas évident de rebondir dans la consultation après ces révélations, mais celles qui l'ont dit semblent apprécier qu'on leur ait posé la question. Elles savent que je sais, et que si besoin la porte est ouverte pour en reparler.

Certains nous demandent d'emblée de signer ce fameux papier "médecin traitant". Je suis toujours un peu perplexe/admirative/impressionnée de cette confiance aveugle qu'ils me font. Ils ne me connaissent que depuis quelques minutes après tout... Et puis je me dis que peut-être qu'ils n'accordent pas énormément d'importance à ce papier qui est avant tout administratif, dont ils ont besoin pour se faire correctement rembourser et qui ne les empêche pas après tout de consulter quelqu'un d'autre... La plupart disent choisir notre cabinet parce que nous sommes trois et que nous avons des créneaux d'urgence tous les jours et que donc ils savent qu'ils pourront être reçus rapidement si besoin (pourvu que ça dure...).

Malgré tout pour moi signer une déclaration de MT se fait toujours avec un peu d'appréhension car je me dis que c'est désormais moi qui suis en charge de diriger la barque, et que si un jour une tuile leur arrivait il m'incomberait probablement de la détecter et de la prendre en charge correctement... Ça met un peu la pression quand même...
Pour l'instant la patientèle est plutôt jeune, ce qui ne me dérange pas...
Je fais énormément de gynécologie, ce qui n'est pas pour me déplaire. Apparemment l'info comme quoi je fais la gynéco et les poses de DIU/Implant s'est répandue très vite dans la commune, des patients me sont adressées par les autres MG qui n'en font pas.
Depuis 2 mois que je suis là je crois que j'ai posé plus de DIU qu'en 3 ans de remplacements... Je fais des frottis plusieurs fois par semaine.
Également beaucoup de suivi d'enfants et de nourrissons. C'est toujours émouvant de recevoir un petit d'un mois pour sa première visite, et de se dire qu'on le verra peut-être grandir pendant plusieurs années... J'adore ces consultations avec les jeunes parents, parler vie de famille, allaitement, portage, sommeil, vaccins, alimentation.
Je fais un effort tout particulier lors des premières consultations avec les nourrissons et les enfants entre un et cinq ans, car je sais que si je les brusque dès la première rencontre, c'est mort pour la suite, ce sera hurlements assurés à chaque fois. Alors je marche sur des oeufs, je dégaine tous mes atouts de séduction, le collier de perles multicolores, les joujoux, la petite lumière sur la main "t'as vu ça pique pas ça brûle pas c'est pour chercher des petits microbes qui rendent malade dans les oreilles, elles sont où tes oreilles?"... D'ailleurs le coin jeux du cabinet a un succès fou, au point que certains ne veulent plus repartir...

Du coup les premières fois commencent à diminuer en proportion, et on commence à connaître certains patients. C'est assez bon pour l'ego de voir les gens pour la 3e ou 4e fois... On se dit qu'au moins on ne les a pas fait fuir...

Pour le moment les gens sont tous très agréables, contents de trouver une nouveau cabinet avec des jeunes médecins accessibles. Ça fait plaisir de se sentir bien accueillis. Ça ne durera peut-être pas, on verra lorsque nous serons obligés de refuser les premières demandes abusives...  Mais en tout cas pour l'instant on en profite. Franchement jusqu'ici je prends beaucoup de plaisir à travailler.

Il y a évidemment aussi tout le côté administratif et gestion du cabinet à découvrir et à apprendre. Ce n'est pas le plus passionnant mais pour le moment comme le planning n'est pas encore plein à ras bord, ça va on arrive à l'intégrer dans les journées de boulot sans trop de difficulté. On s'entend bien entre nous, chacun prend sa part de boulot, et ça c'est vraiment appréciable.

Bref, jusqu'ici je ne regrette absolument pas de m'être installée. Bon, OK, ça ne fait que deux mois... Les pessimistes diront que je suis encore en pleine lune de miel. Peut-être. Mais on peut aussi rêver que ça dure un peu! 

jeudi 19 février 2015

Le Quatrième Trimestre

Bonjour, j'ai décidé aujourd'hui de vous faire partager la traduction en français (par mes soins de non-professionnelle de la traduction donc...) d'un article publié par Sarah Ockwell-Smith sur son site http://sarahockwell-smith.com/.
Voilà le lien vers l'article original: The Fourth Trimester
J'ai trouvé que cet article résume très bien ce que j'ai appris avec mes 3 bébés, et je le partage souvent avec mes patients parents de nouveaux-nés, tout ceux qui viennent me voir en me disant "il ne dort jamais" " il adore les bras mais ma belle-mère dit que je lui donne de mauvaises habitudes", and so on (oui on a toutes entendu ça un jour!)...  

Le Quatrième Trimestre
ou "Pourquoi votre nouveau-né n'est heureux que dans vos bras"


"Mon bébé n'est content que dans mes bras, elle pleure à la minute où je la pose."
"Il dort très bien mais seulement allongé sur moi. Il déteste son couffin"
"Elle pleure à chaque fois qu'on la pose sur son tapis de jeu."
"Il déteste son berceau, il pleure à la seconde où on l'y met."



Si je gagnais un euro à chaque fois que j'entends ça de la part d'un nouveau parent, je serai très riche!
Ce qui m'étonne cependant c'est que la société en général ne comprend pas, personne ne comprend pourquoi tant de bébés ont besoin d'être portés pour se relaxer et ce qui m'étonne encore plus c'est qu'on passe tant de temps à essayer de les poser!
Et on y passe plus que du temps, le business du "posage de bébé" vaut des millions, balancelles, berceaux à bascule, chaises vibrantes, nounours "bruits du coeur" et la liste est longue...
Ayant été un nouveau parent qui a acheté tous ces articles, je suis embarrassée d'admettre aujourd'hui qu'il ne m'est même pas venu à l'esprit que la solution était peut-être de "ne pas" poser mon bébé, et je n'ai pas réfléchi en quoi ces choses pouvaient aider. Ça m'a pris beaucoup de temps pour comprendre et avoir de l'empathie pour mon bébé, pour voir le monde par ses yeux si l'on peut dire...



"Empathie: Identification intellectuelle avec, ou ressenti des sentiments, pensées ou attitudes d'une autre personne"
Pour ressentir de l'empathie pour nos nouveaux-nés, nous devons nous mettre à leur place, imaginer leur expérience du monde -mais quel monde? Le monde dans lequel ils ont passé la plus grande partie de leur vie, le monde utérin, ou le monde où ils sont maintenant, notre monde? Pour bien comprendre, nous devons apprécier l'énorme transition qu'ils ont vécu -un concept connu comme "le 4e trimestre". Certains font la transition de l'utérus au monde facilement, d'autres moins, et c'est de ceux-là en particulier, les "bébés accrochés" que l'ont peut apprendre le plus.



"La naissance désorganise soudain cette organisation. Pendant les mois suivant la naissance, le bébé essaie de recréer son organisation et de s'intégrer à la vie hors de l'utérus. La naissance et l'adaptation à la vie post-natale font apparaître le tempérament du bébé, alors que pour la première fois, il doit faire quelque chose pour que ses besoins soient assouvis. Il est obligé d'agir, de "se comporter". S'il a faim, ou froid, ou est surpris, il pleure. Il doit faire un effort pour obtenir ce dont il a besoin de la part de son entourage. Si ses besoins sont simples et facilement rassasiés, il est étiqueté "bébé facile"; s'il ne s'adapte pas si facilement, il est étiqueté "difficile"" -Dr William Sears. 
 
Alors comparons rapidement les deux différents "mondes" dans lesquels votre bébé a vécu:


                             UTERUS                                               MONDE EXTERIEUR
                              Sombre                                                          Lumineux
                          Bruits assourdis                                                Bruits forts
               Température chaude constante                          Température fluctuante
                       Nutrition constante                                              Faim et soif
                        Espace confiné                                                Beaucoup d'espace
                          Aquatique                                                             Aérien
                         Pas d'odeurs                                                  Beaucoup d'odeurs
              Contact constant avec la maman                       Beaucoup moins de contact
                   Porté en permanence                                  Porté beaucoup moins souvent
                                 Nu                                                                    Habillé
                Environnement doux et chaud                     Environnement parfois dur et froid


Plutôt différent, n'est-ce pas? L'idée principale à comprendre est que in utero le monde du bébé est constant, chaque jour identique, les stimulations ne changent pas, mais après la naissance chaque jour est différent- toujours changeant, toujours stimulant!



Le concept du Quatrième Trimestre nous aide à comprendre la transition que doit faire un nouveau-né pendant ses premières semaines sur Terre et une fois que nous avons compris cela, il y a de nombreuses façons de l'aider- mais pour moi, l'idée la plus importante est la compréhension et l'empathie des parents, une fois que cela est acquis, le reste viendra naturellement.
Voici quelques techniques courantes pour calmer les nouveaux-nés qui marchent assez bien, mais souvenez-vous que chaque bébé est différent, et si vous ne le savez pas encore, vous apprendrez vite ce que VOTRE bébé préfère et c'est cela qui compte, que cela fonctionne pour VOTRE bébé.
Les listes "ordonnances" de choses à faire ou ne pas faire pour calmer les bébés n'aident personne- parce qu'elles oublient qu'on a affaire à des individus- autant les parents que les bébés!
Certaines choses de cette liste seront inadéquates pour vous et votre bébé, certaines ne marcheront tout simplement pas, certaines ne vous plairont pas, et ce n'est pas grave!
Parce qu'en réalité, il ne s'agit pas d'appliquer des conseils mais plutôt que vous et votre bébé fassiez connaissance!

Le Mouvement

L'utérus est un espace en constant mouvement. Les contractions de fin de grossesse enveloppaient votre bébé régulièrement, et à chacun de vos mouvements votre bébé se balançait légèrement. Imaginez ce que ressentait votre bébé quand vous montiez les escaliers! Les bébés ont tendance à aimer le mouvement, mais la plupart du temps nous les posons dans des endroits complètement immobiles. Vous pouvez essayer de danser, vous balancer d'un pied sur l'autre, marcher vite ou une ballade en voiture un peu agitée...



Le contact peau-à-peau



Extrêmement efficace pour calmer un bébé! Être en contact avec votre peau chaude, naturellement (non)-parfumée, c'est le paradis pour un bébé. Cela l'aide à réguler sa température corporelle, sa fréquence cardiaque, ses hormones de stress et stimule la production d'ocytocine - l'hormone de l'amour et de l'attachement - chez vous deux. Les câlins contre votre poitrine nue, les bains partagés, les massages du bébé, et le co-dodo sont toutes de très bonnes façons de pratiquer le contact en peau-à-peau pour votre bébé et pour vous.



Le sommeil partagé ou "Co-dodo"

 

Partager un lit avec votre bébé est un moyen merveilleux de profiter de plus de sommeil pour tout le monde. Les bébés sont généralement beaucoup plus calmes et dorment mieux s'ils dorment dans votre lit, et cependant c'est un sujet complètement tabou... Alors que 60% des parents partagent leur lit avec leur bébé à un moment ou à un autre, c'est un sujet qui met la société très mal à l'aise, mais... C'est un moyen merveilleux de calmer bébé!
Il est important de réfléchir à comment organiser le co-dodo, et de suivre quelques règles de sécurité. Guide UNICEF "Partager un lit avec votre bébé"



L'emmaillotage


Imaginez comme votre bébé était blotti à l'intérieur de vous à la toute fin de la grossesse... Maintenant imaginez comme cela doit lui paraître étrange, maintenant qu'il est né, d'avoir autant d'espace autour de lui!
La meilleure chose que vous puissiez faire est de l'envelopper dans vos bras, mais pour les moments ou vous ne voulez pas, ou ne pouvez pas, alors l'emmaillotage est une solution. L'emmaillotage devient de plus en plus populaire, cependant il y a quelques consignes de sécurité à suivre si vous souhaitez l'emmailloter. Si vous allaitez, attendez que l'allaitement soit établi pour emmailloter, et prenez garde à ne pas manquer les signes de faim du bébé si vous allaitez à la demande. 
 
-N'emmaillotez pas par dessus la tête du bébé ou près de son visage.
-N'emmaillotez pas votre bébé s'il est malade ou a de la fièvre
-Assurez-vous que le bébé n'a pas trop chaud, et n'emmaillotez qu'avec un tissu léger et respirant.
-N'emmaillotez plus votre bébé une fois qu'il sait se retourner (L'académie Américaine de Pédiatrie recommande l'emmaillotage jusqu'à 14 semaines de vie.)
-Faites toujours dormir votre bébé sur le dos.
-N'emmaillotez pas trop serré sur la poitrine du bébé.
-N'emmaillotez pas trop serré sur les hanches et les jambes du bébé, ses jambes doivent pouvoir remonter en "position grenouille" qui est la position spontanée du nouveau-né.
-Commencez à emmailloter le plus tôt possible, n'emmaillotez pas un bébé de 3 mois s'il n'a jamais été emmailloté avant.


Le portage

Porter votre bébé en écharpe (ou sling, ou autre porte-bébé physiologique), est un des meilleurs moyens de le garder calme et heureux. Cela augmente le temps que le bébé passe en "éveil calme"- un état de contentement pendant lequel ils apprennent le plus.
Quand le bébé est in utero il passe 100% de son temps en contact physique avec la maman- et pourtant dès la naissance on estime que ce temps diminue à 40%! Le portage du bébé signifie aussi pouvoir garder ses 2 mains libres!

Choisissez votre moyen de portage avec attention. Une bon porte-bébé sera facile à utiliser et soutiendra à la fois votre colonne vertébrale et celle du bébé, tout en ne mettant pas de pression sur les hanches du bébé en cours de croissance. Les nouveaux-nés devraient toujours être portés face à soi avec une position "grenouille", et non appuyés sur l'entrejambe comme c'est souvent le cas avec certains porte-bébés du commerce. Il doit être porté dans la même position que celle qu'il aurait dans vos bras.

Le portage est un très bon moyen pour les papas de créer des liens avec les bébés!

Il est assez fréquent que le bébé pleure quand on l'installe dans l'écharpe, cela ne signifie pas qu'il n'aime pas cela – cela signifie juste que vous devez bouger, alors allez-y, dansez!
Tout comme l'emmaillotage, le portage devient de plus en plus populaire, cependant il y a aussi quelques règles de sécurité à respecter:

Image


-serré
-toujours à votre vue
-à portée de bisous
-éloigner le menton du torse du bébé
-soutenir le dos

Les positions:


La position du "tigre dans l'arbre", issue du yoga pour bébé, est souvent magique, en arrêtant les pleurs du bébé en un instant!

Les bruits:

Les bébés aiment le bruit, mais pour la plupart, pas les bruits que vous pourriez imaginer. Pour de nombreux bébés, le bruits d'un aspirateur est beaucoup plus apaisant qu'une berceuse. Un CD de bruits d'ambiance peut aider votre bébé à dormir calmement.

La nourriture: 

Si votre bébé a faim, rien ne le calmera, alors prêtez attention à ses signaux de faim. L'allaitement est meilleur s'il est dirigé par le bébé, pas par une routine - que l'allaitement soit maternel ou au biberon. Souvenez-vous également, que votre bébé n'a pas forcément toujours une grosse faim pour un repas complet, il peut avoir envie simplement d'une petite collation, d'un peu de boisson, ou juste de tétée "de confort". La succion est l'ultime moyen du bébé pour se relaxer et se réconforter. La succion aide les os du crâne du bébé à retrouver leur position normale après la naissance, et leur apporte réconfort et sécurité. Si vous n'allaitez pas, vous pouvez aider votre bébé à se relaxer avec une tétine.

Le bain:

L'utérus est un endroit chaud et humide. Le monde extérieur est froid et sec! Parfois un simple bain chaud peut arrêter les pleurs d'un bébé en quelques secondes – encore mieux si maman ou papa viennent dans le bain avec bébé, pour une séance de contact peau-à-peau qui calme merveilleusement les bébés.

Les sorties:

Si le reste échoue, de nombreux bébés arrêtent de crier quand ils trouvent l'air du dehors -est-ce parce qu'habituellement il y a du mouvement (que ce soit dans la poussette, dans l'écharpe ou dans la voiture...), ou simplement le changement d'air – mais ça marche!



Et vous, quelles stratégies avez-vous adoptées pour calmer votre bébé?



mercredi 11 février 2015

Lettre à ma grand-mère

Ma chère Mamie,

Voilà, tu n'es plus là. Ou en fait si, tu es encore là, mais plus vraiment. Tu es là sans être là. Ton corps est encore là mais ton esprit s'est fait la malle. Depuis cette foutue chute, il y a un peu plus d'un mois.
J'aurais voulu que ça se termine autrement. J'ai suffisamment fréquenté les hôpitaux, les centres de SSR et les EHPAD pour bien trop connaître ce que te réserve l'avenir, et je sais que tu aurais cent fois, mille fois préféré mourir proprement. Vite. (Bien sûr, qui rêve de finir en état végétatif plus ou moins profond...)

Je savais, je redoutais que cela se termine ainsi. Cette maladie qui depuis maintenant presque quinze ans te rends de moins en moins mobile. Puis, depuis un an, un an et demi, c'est la tête qui commence à ne plus aller. La mémoire, les visages qui s'enfuient, les hallucinations, les actes de la vie quotidienne qu'on ne sait plus faire. Le corps qui maigrit et se recroqueville de plus en plus. J'en ai si souvent été témoin chez des patients. Observer ça chez sa grand-mère, pas si vieille finalement, c'est autre chose. Tu tombais de plus en plus souvent, tu t'étais déjà cassé le poignet. Tu habitais toujours dans cette grande maison à étage, avec ce grand escalier que tu montais toujours plus difficilement.  Ce n'était qu'une question de temps avant que ça arrive. Je m'attendais plutôt à un col du fémur, mais finalement c'est la tête qui a pris.
On a pensé que tu ne survivrais pas à l'accident, et puis finalement si. Mais dans quel état...
Tes enfants se succèdent à ton chevet à l'hôpital, mais ils habitent tous très loin, travaillent, ne peuvent pas se déplacer toutes les semaines ni rester trop longtemps. Pire pour les petits-enfants.
Je n'ai pas pu aller te voir depuis l'accident. 800km, au milieu du boulot et des enfants...
Et puis je ne sais pas si j'ai vraiment envie de te voir comme ça. Je pense beaucoup à toi et à mon grand-père qui se retrouve seul à la maison, après plus de 55 ans de vie commune. Qui est seul mais pas encore veuf. Qui vient te voir tous les jours. On me dit qu'il est bien entouré, qu'il a beaucoup de coups de téléphone, de visites, d'invitations. Tant mieux si ça peut alléger un peu le chagrin et la solitude.

Je connais la grabatisation, la démence, le coma... Je ne veux pas garder de toi cette image. Je veux garder l'image de mon enfance, celle de ma jeune grand-mère, en forme et dynamique. Après tout, tu n'avais que 46 ans à ma naissance, aînée des petits-enfants née de l'aîné des enfants, des parents jeunes. Du coup j'ai quand même bien profité de toi et de mon grand-père.
Je garderais mille souvenirs. Des Noël magiques dans mes yeux d'enfant, avec des sapins géants décorés de boules très vintage années 70, des flambées dans la cheminée, des tablées familiales bruyantes, des montagnes de cadeaux... De longues vacances d'été dans votre grande maison béarnaise où le salon reste toujours frais, à l'époque où votre grand jardin était entouré de champs et pas de lotissements et de l'axe de contournement de l'agglomération. Où je passais de longues après-midis à lire et relire les millions de BD de votre bibliothèque. D'autres vacances d'été dans votre appartement de la côte basque, où nous allons toujours régulièrement, cette plage du Miramar que mes enfants aiment autant que je l'aime depuis bientôt 30 ans. Des parties de "jeu des mouches", de Scrabble, de crapette, de jeu de l'oie ou de petits chevaux. Des tournois de tarot interminables, quand mon grand-père pestait invariablement car il se trompait toujours dans la donne, alors que tu étais toujours d'un calme olympien.
C'est vrai, c'est le trait de caractère que je retiendrai de toi ça: tu étais TOUJOURS d'un calme olympien. Aussi calme et posée que mon grand-père est volcanique. Je n'ai pas le souvenir de t'avoir entendu hausser la voix... Lorsque vraiment tu étais agacée, tu jurais d'un "Boutique"! Ou vraiment si le cas était grave, un "Boutique de Bonsoir"! Ta marque de fabrique.

Ce que je retiendrai aussi, ce sont tes talents de cuisinière. Grâce à mon grand-père qui te fournissait en délicieux légumes de son immense potager ainsi qu'en les meilleurs produits des meilleurs fournisseurs de la région, tu nous concoctais des petits plats à tomber. Les tartes aux pommes, aux prunes, les glaces à la vanille maison, les tôt-faits aux pommes, les clafoutis, la garbure, la daube, les framboises du jardin. Même ta soupe de légumes était délicieuse.
Une semaine de vacances chez vous c'était l'assurance de repartir avec au moins 1 kg de plus, sans parler du coffre rempli de pots de confitures de fruits du jardin et de pots de miel, de salades et de tomates du potager.
Et puis aussi ces rassemblements familiaux que mon grand-père tenait à organiser à chaque anniversaire ou anniversaire de mariage "rond". Il aime beaucoup rassembler, et nourrir tout le monde, trop, tout le temps. 

Je sais que j'ai de la chance d'avoir tant de beaux souvenirs, ce n'est pas donné à tout le monde. C'est cela que je veux garder au fond de moi et non pas cette fin merdique qui traîne depuis des mois, et qui va traîner encore pendant je ne sais combien de temps. Cette impuissance à t'aider et à aider mon grand-père.
Mes enfants ne comprennent pas, ils savent que Grand-mamie est très malade, ils t'envoient des dessins, ils ne savent pas que tu ne les vois pas.
Pour eux les souvenirs seront ceux des maisons de mes parents et de mes beaux-parents. Se souviendront-ils de toi, j'espère, au moins le grand. J'ai quelques souvenirs de mes arrières-grands-parents.
Mais bon, c'est la vie après tout, le temps passe, l'enfance s'en va, les générations passent.

Je sais que c'est normal et qu'on ne garde pas ses grands-parents éternellement. J'ai déjà de la chance de t'avoir eue jusqu'à maintenant. J'aurais aimé que tu partes mieux que ça.