jeudi 19 février 2015

Le Quatrième Trimestre

Bonjour, j'ai décidé aujourd'hui de vous faire partager la traduction en français (par mes soins de non-professionnelle de la traduction donc...) d'un article publié par Sarah Ockwell-Smith sur son site http://sarahockwell-smith.com/.
Voilà le lien vers l'article original: The Fourth Trimester
J'ai trouvé que cet article résume très bien ce que j'ai appris avec mes 3 bébés, et je le partage souvent avec mes patients parents de nouveaux-nés, tout ceux qui viennent me voir en me disant "il ne dort jamais" " il adore les bras mais ma belle-mère dit que je lui donne de mauvaises habitudes", and so on (oui on a toutes entendu ça un jour!)...  

Le Quatrième Trimestre
ou "Pourquoi votre nouveau-né n'est heureux que dans vos bras"


"Mon bébé n'est content que dans mes bras, elle pleure à la minute où je la pose."
"Il dort très bien mais seulement allongé sur moi. Il déteste son couffin"
"Elle pleure à chaque fois qu'on la pose sur son tapis de jeu."
"Il déteste son berceau, il pleure à la seconde où on l'y met."



Si je gagnais un euro à chaque fois que j'entends ça de la part d'un nouveau parent, je serai très riche!
Ce qui m'étonne cependant c'est que la société en général ne comprend pas, personne ne comprend pourquoi tant de bébés ont besoin d'être portés pour se relaxer et ce qui m'étonne encore plus c'est qu'on passe tant de temps à essayer de les poser!
Et on y passe plus que du temps, le business du "posage de bébé" vaut des millions, balancelles, berceaux à bascule, chaises vibrantes, nounours "bruits du coeur" et la liste est longue...
Ayant été un nouveau parent qui a acheté tous ces articles, je suis embarrassée d'admettre aujourd'hui qu'il ne m'est même pas venu à l'esprit que la solution était peut-être de "ne pas" poser mon bébé, et je n'ai pas réfléchi en quoi ces choses pouvaient aider. Ça m'a pris beaucoup de temps pour comprendre et avoir de l'empathie pour mon bébé, pour voir le monde par ses yeux si l'on peut dire...



"Empathie: Identification intellectuelle avec, ou ressenti des sentiments, pensées ou attitudes d'une autre personne"
Pour ressentir de l'empathie pour nos nouveaux-nés, nous devons nous mettre à leur place, imaginer leur expérience du monde -mais quel monde? Le monde dans lequel ils ont passé la plus grande partie de leur vie, le monde utérin, ou le monde où ils sont maintenant, notre monde? Pour bien comprendre, nous devons apprécier l'énorme transition qu'ils ont vécu -un concept connu comme "le 4e trimestre". Certains font la transition de l'utérus au monde facilement, d'autres moins, et c'est de ceux-là en particulier, les "bébés accrochés" que l'ont peut apprendre le plus.



"La naissance désorganise soudain cette organisation. Pendant les mois suivant la naissance, le bébé essaie de recréer son organisation et de s'intégrer à la vie hors de l'utérus. La naissance et l'adaptation à la vie post-natale font apparaître le tempérament du bébé, alors que pour la première fois, il doit faire quelque chose pour que ses besoins soient assouvis. Il est obligé d'agir, de "se comporter". S'il a faim, ou froid, ou est surpris, il pleure. Il doit faire un effort pour obtenir ce dont il a besoin de la part de son entourage. Si ses besoins sont simples et facilement rassasiés, il est étiqueté "bébé facile"; s'il ne s'adapte pas si facilement, il est étiqueté "difficile"" -Dr William Sears. 
 
Alors comparons rapidement les deux différents "mondes" dans lesquels votre bébé a vécu:


                             UTERUS                                               MONDE EXTERIEUR
                              Sombre                                                          Lumineux
                          Bruits assourdis                                                Bruits forts
               Température chaude constante                          Température fluctuante
                       Nutrition constante                                              Faim et soif
                        Espace confiné                                                Beaucoup d'espace
                          Aquatique                                                             Aérien
                         Pas d'odeurs                                                  Beaucoup d'odeurs
              Contact constant avec la maman                       Beaucoup moins de contact
                   Porté en permanence                                  Porté beaucoup moins souvent
                                 Nu                                                                    Habillé
                Environnement doux et chaud                     Environnement parfois dur et froid


Plutôt différent, n'est-ce pas? L'idée principale à comprendre est que in utero le monde du bébé est constant, chaque jour identique, les stimulations ne changent pas, mais après la naissance chaque jour est différent- toujours changeant, toujours stimulant!



Le concept du Quatrième Trimestre nous aide à comprendre la transition que doit faire un nouveau-né pendant ses premières semaines sur Terre et une fois que nous avons compris cela, il y a de nombreuses façons de l'aider- mais pour moi, l'idée la plus importante est la compréhension et l'empathie des parents, une fois que cela est acquis, le reste viendra naturellement.
Voici quelques techniques courantes pour calmer les nouveaux-nés qui marchent assez bien, mais souvenez-vous que chaque bébé est différent, et si vous ne le savez pas encore, vous apprendrez vite ce que VOTRE bébé préfère et c'est cela qui compte, que cela fonctionne pour VOTRE bébé.
Les listes "ordonnances" de choses à faire ou ne pas faire pour calmer les bébés n'aident personne- parce qu'elles oublient qu'on a affaire à des individus- autant les parents que les bébés!
Certaines choses de cette liste seront inadéquates pour vous et votre bébé, certaines ne marcheront tout simplement pas, certaines ne vous plairont pas, et ce n'est pas grave!
Parce qu'en réalité, il ne s'agit pas d'appliquer des conseils mais plutôt que vous et votre bébé fassiez connaissance!

Le Mouvement

L'utérus est un espace en constant mouvement. Les contractions de fin de grossesse enveloppaient votre bébé régulièrement, et à chacun de vos mouvements votre bébé se balançait légèrement. Imaginez ce que ressentait votre bébé quand vous montiez les escaliers! Les bébés ont tendance à aimer le mouvement, mais la plupart du temps nous les posons dans des endroits complètement immobiles. Vous pouvez essayer de danser, vous balancer d'un pied sur l'autre, marcher vite ou une ballade en voiture un peu agitée...



Le contact peau-à-peau



Extrêmement efficace pour calmer un bébé! Être en contact avec votre peau chaude, naturellement (non)-parfumée, c'est le paradis pour un bébé. Cela l'aide à réguler sa température corporelle, sa fréquence cardiaque, ses hormones de stress et stimule la production d'ocytocine - l'hormone de l'amour et de l'attachement - chez vous deux. Les câlins contre votre poitrine nue, les bains partagés, les massages du bébé, et le co-dodo sont toutes de très bonnes façons de pratiquer le contact en peau-à-peau pour votre bébé et pour vous.



Le sommeil partagé ou "Co-dodo"

 

Partager un lit avec votre bébé est un moyen merveilleux de profiter de plus de sommeil pour tout le monde. Les bébés sont généralement beaucoup plus calmes et dorment mieux s'ils dorment dans votre lit, et cependant c'est un sujet complètement tabou... Alors que 60% des parents partagent leur lit avec leur bébé à un moment ou à un autre, c'est un sujet qui met la société très mal à l'aise, mais... C'est un moyen merveilleux de calmer bébé!
Il est important de réfléchir à comment organiser le co-dodo, et de suivre quelques règles de sécurité. Guide UNICEF "Partager un lit avec votre bébé"



L'emmaillotage


Imaginez comme votre bébé était blotti à l'intérieur de vous à la toute fin de la grossesse... Maintenant imaginez comme cela doit lui paraître étrange, maintenant qu'il est né, d'avoir autant d'espace autour de lui!
La meilleure chose que vous puissiez faire est de l'envelopper dans vos bras, mais pour les moments ou vous ne voulez pas, ou ne pouvez pas, alors l'emmaillotage est une solution. L'emmaillotage devient de plus en plus populaire, cependant il y a quelques consignes de sécurité à suivre si vous souhaitez l'emmailloter. Si vous allaitez, attendez que l'allaitement soit établi pour emmailloter, et prenez garde à ne pas manquer les signes de faim du bébé si vous allaitez à la demande. 
 
-N'emmaillotez pas par dessus la tête du bébé ou près de son visage.
-N'emmaillotez pas votre bébé s'il est malade ou a de la fièvre
-Assurez-vous que le bébé n'a pas trop chaud, et n'emmaillotez qu'avec un tissu léger et respirant.
-N'emmaillotez plus votre bébé une fois qu'il sait se retourner (L'académie Américaine de Pédiatrie recommande l'emmaillotage jusqu'à 14 semaines de vie.)
-Faites toujours dormir votre bébé sur le dos.
-N'emmaillotez pas trop serré sur la poitrine du bébé.
-N'emmaillotez pas trop serré sur les hanches et les jambes du bébé, ses jambes doivent pouvoir remonter en "position grenouille" qui est la position spontanée du nouveau-né.
-Commencez à emmailloter le plus tôt possible, n'emmaillotez pas un bébé de 3 mois s'il n'a jamais été emmailloté avant.


Le portage

Porter votre bébé en écharpe (ou sling, ou autre porte-bébé physiologique), est un des meilleurs moyens de le garder calme et heureux. Cela augmente le temps que le bébé passe en "éveil calme"- un état de contentement pendant lequel ils apprennent le plus.
Quand le bébé est in utero il passe 100% de son temps en contact physique avec la maman- et pourtant dès la naissance on estime que ce temps diminue à 40%! Le portage du bébé signifie aussi pouvoir garder ses 2 mains libres!

Choisissez votre moyen de portage avec attention. Une bon porte-bébé sera facile à utiliser et soutiendra à la fois votre colonne vertébrale et celle du bébé, tout en ne mettant pas de pression sur les hanches du bébé en cours de croissance. Les nouveaux-nés devraient toujours être portés face à soi avec une position "grenouille", et non appuyés sur l'entrejambe comme c'est souvent le cas avec certains porte-bébés du commerce. Il doit être porté dans la même position que celle qu'il aurait dans vos bras.

Le portage est un très bon moyen pour les papas de créer des liens avec les bébés!

Il est assez fréquent que le bébé pleure quand on l'installe dans l'écharpe, cela ne signifie pas qu'il n'aime pas cela – cela signifie juste que vous devez bouger, alors allez-y, dansez!
Tout comme l'emmaillotage, le portage devient de plus en plus populaire, cependant il y a aussi quelques règles de sécurité à respecter:

Image


-serré
-toujours à votre vue
-à portée de bisous
-éloigner le menton du torse du bébé
-soutenir le dos

Les positions:


La position du "tigre dans l'arbre", issue du yoga pour bébé, est souvent magique, en arrêtant les pleurs du bébé en un instant!

Les bruits:

Les bébés aiment le bruit, mais pour la plupart, pas les bruits que vous pourriez imaginer. Pour de nombreux bébés, le bruits d'un aspirateur est beaucoup plus apaisant qu'une berceuse. Un CD de bruits d'ambiance peut aider votre bébé à dormir calmement.

La nourriture: 

Si votre bébé a faim, rien ne le calmera, alors prêtez attention à ses signaux de faim. L'allaitement est meilleur s'il est dirigé par le bébé, pas par une routine - que l'allaitement soit maternel ou au biberon. Souvenez-vous également, que votre bébé n'a pas forcément toujours une grosse faim pour un repas complet, il peut avoir envie simplement d'une petite collation, d'un peu de boisson, ou juste de tétée "de confort". La succion est l'ultime moyen du bébé pour se relaxer et se réconforter. La succion aide les os du crâne du bébé à retrouver leur position normale après la naissance, et leur apporte réconfort et sécurité. Si vous n'allaitez pas, vous pouvez aider votre bébé à se relaxer avec une tétine.

Le bain:

L'utérus est un endroit chaud et humide. Le monde extérieur est froid et sec! Parfois un simple bain chaud peut arrêter les pleurs d'un bébé en quelques secondes – encore mieux si maman ou papa viennent dans le bain avec bébé, pour une séance de contact peau-à-peau qui calme merveilleusement les bébés.

Les sorties:

Si le reste échoue, de nombreux bébés arrêtent de crier quand ils trouvent l'air du dehors -est-ce parce qu'habituellement il y a du mouvement (que ce soit dans la poussette, dans l'écharpe ou dans la voiture...), ou simplement le changement d'air – mais ça marche!



Et vous, quelles stratégies avez-vous adoptées pour calmer votre bébé?



mercredi 11 février 2015

Lettre à ma grand-mère

Ma chère Mamie,

Voilà, tu n'es plus là. Ou en fait si, tu es encore là, mais plus vraiment. Tu es là sans être là. Ton corps est encore là mais ton esprit s'est fait la malle. Depuis cette foutue chute, il y a un peu plus d'un mois.
J'aurais voulu que ça se termine autrement. J'ai suffisamment fréquenté les hôpitaux, les centres de SSR et les EHPAD pour bien trop connaître ce que te réserve l'avenir, et je sais que tu aurais cent fois, mille fois préféré mourir proprement. Vite. (Bien sûr, qui rêve de finir en état végétatif plus ou moins profond...)

Je savais, je redoutais que cela se termine ainsi. Cette maladie qui depuis maintenant presque quinze ans te rends de moins en moins mobile. Puis, depuis un an, un an et demi, c'est la tête qui commence à ne plus aller. La mémoire, les visages qui s'enfuient, les hallucinations, les actes de la vie quotidienne qu'on ne sait plus faire. Le corps qui maigrit et se recroqueville de plus en plus. J'en ai si souvent été témoin chez des patients. Observer ça chez sa grand-mère, pas si vieille finalement, c'est autre chose. Tu tombais de plus en plus souvent, tu t'étais déjà cassé le poignet. Tu habitais toujours dans cette grande maison à étage, avec ce grand escalier que tu montais toujours plus difficilement.  Ce n'était qu'une question de temps avant que ça arrive. Je m'attendais plutôt à un col du fémur, mais finalement c'est la tête qui a pris.
On a pensé que tu ne survivrais pas à l'accident, et puis finalement si. Mais dans quel état...
Tes enfants se succèdent à ton chevet à l'hôpital, mais ils habitent tous très loin, travaillent, ne peuvent pas se déplacer toutes les semaines ni rester trop longtemps. Pire pour les petits-enfants.
Je n'ai pas pu aller te voir depuis l'accident. 800km, au milieu du boulot et des enfants...
Et puis je ne sais pas si j'ai vraiment envie de te voir comme ça. Je pense beaucoup à toi et à mon grand-père qui se retrouve seul à la maison, après plus de 55 ans de vie commune. Qui est seul mais pas encore veuf. Qui vient te voir tous les jours. On me dit qu'il est bien entouré, qu'il a beaucoup de coups de téléphone, de visites, d'invitations. Tant mieux si ça peut alléger un peu le chagrin et la solitude.

Je connais la grabatisation, la démence, le coma... Je ne veux pas garder de toi cette image. Je veux garder l'image de mon enfance, celle de ma jeune grand-mère, en forme et dynamique. Après tout, tu n'avais que 46 ans à ma naissance, aînée des petits-enfants née de l'aîné des enfants, des parents jeunes. Du coup j'ai quand même bien profité de toi et de mon grand-père.
Je garderais mille souvenirs. Des Noël magiques dans mes yeux d'enfant, avec des sapins géants décorés de boules très vintage années 70, des flambées dans la cheminée, des tablées familiales bruyantes, des montagnes de cadeaux... De longues vacances d'été dans votre grande maison béarnaise où le salon reste toujours frais, à l'époque où votre grand jardin était entouré de champs et pas de lotissements et de l'axe de contournement de l'agglomération. Où je passais de longues après-midis à lire et relire les millions de BD de votre bibliothèque. D'autres vacances d'été dans votre appartement de la côte basque, où nous allons toujours régulièrement, cette plage du Miramar que mes enfants aiment autant que je l'aime depuis bientôt 30 ans. Des parties de "jeu des mouches", de Scrabble, de crapette, de jeu de l'oie ou de petits chevaux. Des tournois de tarot interminables, quand mon grand-père pestait invariablement car il se trompait toujours dans la donne, alors que tu étais toujours d'un calme olympien.
C'est vrai, c'est le trait de caractère que je retiendrai de toi ça: tu étais TOUJOURS d'un calme olympien. Aussi calme et posée que mon grand-père est volcanique. Je n'ai pas le souvenir de t'avoir entendu hausser la voix... Lorsque vraiment tu étais agacée, tu jurais d'un "Boutique"! Ou vraiment si le cas était grave, un "Boutique de Bonsoir"! Ta marque de fabrique.

Ce que je retiendrai aussi, ce sont tes talents de cuisinière. Grâce à mon grand-père qui te fournissait en délicieux légumes de son immense potager ainsi qu'en les meilleurs produits des meilleurs fournisseurs de la région, tu nous concoctais des petits plats à tomber. Les tartes aux pommes, aux prunes, les glaces à la vanille maison, les tôt-faits aux pommes, les clafoutis, la garbure, la daube, les framboises du jardin. Même ta soupe de légumes était délicieuse.
Une semaine de vacances chez vous c'était l'assurance de repartir avec au moins 1 kg de plus, sans parler du coffre rempli de pots de confitures de fruits du jardin et de pots de miel, de salades et de tomates du potager.
Et puis aussi ces rassemblements familiaux que mon grand-père tenait à organiser à chaque anniversaire ou anniversaire de mariage "rond". Il aime beaucoup rassembler, et nourrir tout le monde, trop, tout le temps. 

Je sais que j'ai de la chance d'avoir tant de beaux souvenirs, ce n'est pas donné à tout le monde. C'est cela que je veux garder au fond de moi et non pas cette fin merdique qui traîne depuis des mois, et qui va traîner encore pendant je ne sais combien de temps. Cette impuissance à t'aider et à aider mon grand-père.
Mes enfants ne comprennent pas, ils savent que Grand-mamie est très malade, ils t'envoient des dessins, ils ne savent pas que tu ne les vois pas.
Pour eux les souvenirs seront ceux des maisons de mes parents et de mes beaux-parents. Se souviendront-ils de toi, j'espère, au moins le grand. J'ai quelques souvenirs de mes arrières-grands-parents.
Mais bon, c'est la vie après tout, le temps passe, l'enfance s'en va, les générations passent.

Je sais que c'est normal et qu'on ne garde pas ses grands-parents éternellement. J'ai déjà de la chance de t'avoir eue jusqu'à maintenant. J'aurais aimé que tu partes mieux que ça.